“History Will Repeat Itself” (1)

The Battle of Orgreave

Jeremy Deller. The Battle of Orgreave. 2001.

Sur la route du Grand Circus de l’art contemporain (Biennale de Venise, Skulpture projekte de Muenster, Documenta de Kassel) les expositions intéressantes ne sont pas les plus médiatisées. La question de la re-constitution, ré-pétition, ré-appropriation est au centre de l’exposition “History Will Repeat Itself” qui se tient à  Dortmund et se concentre sur les stratégies actuelles de re-présentation dans l’art contemporain “média” et la performance.
En général la re-présentation consiste à  présenter un événement passé de manière historiquement correcte à  une audience qui reste passive. Dans la re-création, le public devient un témoin immédiat de l’événement qui s’offre à  lui, ou il peut même devenir un participant actif. Ainsi dans Waco Resurrection, l’oeuvre du collectif C-Level est un jeu vidéo qui permet de re-jouer le siège de la secte Davidienne près de Waco au Texas et l’attaque lors de laquelle 82 membres de la secte périrent dans des circonstances toujours indéterminées. Pour participer à  ce jeu, le spectateur doit enfiler un casque-masque à  l’image du chef de la secte, David Koresh, le dispositif relié à  un ordinateur permet une immersion virtuelle dans la personnage de Koresh lors de l’attaque. Créé en 2003, le jeu commémorait le dixième anniversaire de l’événement au moment ou le concept de guerre sainte était adopté par la politique gouvernementale officielle.

Ces re-constitutions historiques ne sont pas de simples répétitions d’événements passés, elles questionnent le présent en reconstituant des événements qui ont laissé des traces dans la mémoire collective, mais en même temps elles montrent que notre mémoire collective est essentiellement et très malheureusement constituée des souvenirs de leur relation par les médias. Cette déformation s’applique même aux protagonistes d’un événement. Où est donc la vérité médiatisée sinon média-utilisée ? Les travaux de Pierre Huyghe et de Jeremy Deller, par exemple, illustrent ce décalage.

 

The Third Memory

Pierre Huyghe. The Third Memory. 1999.

Dans The Third Memory, (2000), Pierre Huyghe s’intéresse à  l’attaque à  main armée et la prise d’otages qui eurent lieu en 1972 dans une banque de Brooklyn, le hold-up perpétré en plein Brooklyn par John Wojtowicz et son complice avait tenu l’Amérique entière en haleine, devenant très vite une gigantesque farce médiatique. Trois ans plus tard, Sydney Lumet s’inspire du fait divers et tourne Dog Day Afternoon, avec Al Pacino, un film qui reste dans les mémoires. Presque 30 ans plus tard, Huyghe a demandé au véritable braqueur de réaliser sa propre reconstitution de l’attaque. The Third Memory juxtapose les prises de vue de cette reconstitution à  des extraits du film de Lumet, pour montrer l’influence que réalité, fiction, mémoire et médias exercent les uns sur les autres. Lors de la reconstitution, John Wojtowicz s’est trouvé sous l’influence inconsciente du souvenir du jeu d’Al Pacino, souvenir qui l’a amené à  transformer la réalité tout en se l’appropriant.

Jeremy Deller, avec The Battle of Orgreave, 2003, s’intéresse au conflit qui eut lieu en 1984-1985 entre le gouvernement Thatcher et le Syndicat britannique des mineurs. A cette époque Margaret Thatcher était déterminée à  casser à  tout prix le pouvoir des syndicats, allant jusqu’à  qualifier les travailleurs qui défendaient leurs postes de travail d'”ennemi de l’intérieur”. Une répression extrêmement violente eut lieu le 18 juin 1984 à  Orgreave, signe du début de la victoire de Thatcher sur les syndicats. Les rapports des médias étaient tellement influencés par le gouvernement que Jeremy Deller décida en 2001 d’utiliser les souvenirs des véritables protagonistes tels les mineurs et les policiers, la réactualisation des souvenirs provoqua de nouveaux heurts entre les participants. L’oeuvre de Deller a permis de corriger la relation erronée transmise par les médias, y ajoutant une véritable fonction émancipatrice.

(suite dans la 2ème partie)

L’exposition présente les travaux de trente artistes internationaux.

History will repeat itself. Strategies of Reenactment in Contemporary (Media) Art and Performance | HMKV at PHOENIX Halle, jusqu’au 23 Septembre 2007. http://www.hmkv.de/dyn/e/

Elle sera ensuite présentée au Kunst-Werke de Berlin du 18 novembre 2007 au 13 janvier 2008.
Concept: Inke Arns. Curator : Inke Arns und Gabriele Horn. Co-Curator: Katharina Fichtner.

 

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Un commentaire pour ““History Will Repeat Itself” (1)
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  1. […] grec”. La scène internationale est sur la même fréquence avec des expositions comme “History will repeat Itself” qui se tient en ce moment à  Berlin et développe le thème du RE (Renaissance, Re-). […]

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