Dans le cadre des Rencontres théâtrales 2012/13, lancées par Sami Kanaan, conseiller administratif de la Ville de Genève en charge de la culture et du sport, Gabriel Alvarez, du Théâtre du Galpon, apporte la première contribution:
« Monsieur Kanaan, Magistrat à la culture invite les milieux théâtraux à des rencontres, qui dépassent les « entre deux portes », afin que de manière ouverte, nous discutions des enjeux qui se posent pour le théâtre genevois.
Pour ma part, je salue l’initiative de Monsieur le conseiller à la culture et saisis l’occasion pour manifester mon intérêt à y participer et partager mon expérience artistique et théâtrale de ces 20 dernières années à Genève.
Je me permets d’exprimer ici quelques considérations générales sur le développement des rencontres.
Je pense que l’idée de Monsieur le Magistrat est clairvoyante et qu’elle s’inscrit, dans l’histoire de la politique culturelle genevoise de ces dernières décennies. Tout le monde est d’accord que Genève, culturellement parlant, est en Europe une ville unique, tant par la diversité et la qualité de son offre que par le budget que la ville accorde à la culture. Cette situation est le résultat d’un long processus de lutte et d’initiative de la part des associations et des acteurs culturels. C’est dans ce contexte historique que s’inscrit à mon avis cette proposition. Que Monsieur Kannan propose ces rencontres, est une manière de continuer à développer cette caractéristique et singularité genevoise qui consiste à définir les politiques culturelles en accordant une véritable place à l’écoute, en donnant et laissant l’espace afin que des associations, des groupes puissent proposer et prendre des initiatives. Je veux dire par là que la politique culturelle à Genève ne se fait pas par la volonté, par l’affirmation d’une idée dominante mais par l’écoute et le va et vient entre initiatives d’artistes et décisions politiques.
Je crois comprendre que dans cette invitation, Monsieur le Magistrat considère que l’artiste est au centre d’une chaîne de coopération, de coordination, de prises de risques. Qu’Il doit être un catalyseur dans la création du lien social et l’expression d’un « monde » qui la plupart du temps est en rupture avec la logique du gain et du profit.
Ce parti-pris a produit une démarche essentiellement empirique qui fait que les acteurs culturels s’engagent avec les pouvoirs publics afin de tracer des frontières ou inventer des règles qui feront évoluer leurs pratiques artistiques.
Mais, je dois ici manifester certains doutes quant à la manière et la méthode proposée :
Je crois que nous sommes à un carrefour vital pour l’activité théâtrale à Genève. Si on considère le contexte économique et les enjeux politiques, il me semble qu’un des l’objectifs déterminants de ces rencontres doit être la défense et la préservation du milieu, du « terroir » théâtral genevois tel qu’il est aujourd’hui. Cela implique une analyse, des discussions et des débats afin de comprendre comment Genève est devenue une ville si singulière culturellement. Pourquoi tant des théâtres, de lieux et de propositions artistiques dans le domaine du spectacle vivant.
Il faut rappeler que les milieux artistiques et les acteurs culturels genevois, n’ont pas arrêté de lutter, d’ouvrir et d’inventer des espaces afin de réaliser leurs rêves et répondre à leurs besoins artistiques. Il faut tenir compte de l’histoire théâtrale genevoise des 30 dernières années, reconnaître que d’une certaine manière cette pléthore est le résultat d’une lutte historique des milieux culturels genevois. Le Grütli, Saint Gervais, le Loup, même le théâtre de Carouge, l’Usine et plus récemment la Parfumerie, Mottatom ou le Galpon sont des lieux nés de cette lutte. Ils répondent à des besoins et à des urgences créatives des citoyens de la ville.
Et bien oui, les temps et les conditions ont changé, mais cette particularité genevoise est là vivante. Si on veut la comprendre et même l’aider à se développer il faut qu’elle soit un des axes des discussions proposées.
Je crois donc qu’il est vital que lors des rencontres les gens de terrain puissent s’exprimer et que ce ne soit pas seulement « les conférenciers » qui monopolisent la parole, comme cela est devenue une habitude dans l’organisation de ces journées. Il faut donc donner la parole aux protagonistes et responsables de la singularité théâtrale genevoise, ceux qui racontent, décrient, analysent, quelles sont les conditions politiques, sociales, géographiques de leur travail. Je propose alors, qu’une partie de ces réflexions soient préparées par celles et ceux qui ont contribué à construire cette réalité.
Toutefois, je me demande si cette invitation a pour objectif de parler de démocratie en terme philosophique, métaphysique ou bien de faire place à une démocratie participative afin que des décisions importantes soient prises.
Un autre axe de discussion qui je pense, peut donner une perspective aux réflexions est celle de la Nouvelle Comédie. Car d’une manière concrète elle va bousculer pas mal des données politiques et économiques.
Au moment où il a fallu trouver un nouveau directeur pour la Comédie, il y a eu un débat dans le milieu culturel genevois sur le profil que devait avoir la direction de ce théâtre. Une des positions fortes véhiculée dans différents milieux politiques, artistiques et aussi dans les médias, était que Genève devait engager une « pointure ». Ces personnes affirmaient qu’il fallait à Genève une personne de prestige afin de faire rayonner la ville au niveau international, invoquant l’exemple de Lausanne et le Ballet Béjart. (suite page 2)
Merci Gabriel, on partage en tout et partout tes réflexions,on souhaite a toi et aux autres un bonne résistance culturel, Mario Barzaghi / Rosalba Genovese
Teatro dell’Albero (Milano)
Je partage l’analyse de Gabriel Alvarez et bon nombre de ses inquiétudes particulièrement quand à la profondeur et la préparation des débats.
Il est étonnant que l’on parle d’une Nouvelle Comédie en citant le chorégraphe Béjart plutôt que disons, le metteur en scène Langhoff… Particulièrement cocasse dans le cadre de rencontres « théâtrales » et au sujet d’un théâtre qui ne s’engage pas pour la danse…
C’est surpenant de parler de Béjart comme étant une « pointure » alors que c’est un créateur aujourd’hui disparu depuis bientôt 5 ans et que le Ballet Béjart est désormais une cie de répertoire ayant régulièrement besoin de fonds pour combler ses pertes financières. Au moment ou les six compagnies chorégraphiques genevoises conventionnées se regroupent et annoncent des chiffres qui une fois mis en commun dépassent ceux des institutions de la danse qui nous entourent, Béjart mais aussi Ballet de Genève, aussi bien en nombre de création que de dates de tournées ou de pays visités, c’est cocasse.
En 2012 on doit me semble-t-il se référer à l’avenir et non pas a un passé certes glorieux mais qui commença à décliner artistiquement précisément à partir de l’installation de cette compagnie à Lausanne… Il est donc peut être temps de penser à de nouveaux modèles pour la gouvernance des arts de la scène. Peut être tout simplement en commençant à organiser les rencontres des arts de la scène plutôt que celles du théâtre.
En réponse à quelques questions
Quels sont les objectifs des Rencontres?
Les rencontres sont organisées selon un mode participatif, elles ne représentent pas un lieu de décision mais un lieu d’échange d’idées et de formulation de propositions. Le site lui-même est ouvert aux propositions les plus concrètes comme aux analyses générales ou aux réflexions théoriques. L’objectif est de pouvoir partager des réflexions sur le théâtre et la politique de soutien au théâtre.
Comment vont se dérouler les débats ?
Les rencontres se dérouleront en deux temps répartis entre les communications des orateurs invités et le dialogue avec les personnes présentes. Les invités seront connus pour leurs travaux dans le champ du thème spécifique, leur rôle sera de faire part de leurs recherches avant d’ouvrir le débat.
Comment l’information va-t-elle être traitée ?
Chacun est déjà libre d’intervenir sur le site en toute transparence et d’engager le dialogue avec les autres intervenant-e-s, qu’il s’agisse de commentaires ou d’articles développés. Le Conseiller administratif prendra connaissance des interventions et s’exprimera également régulièrement.
Quel est le rôle précis des personnes qui organisent les débats ?
Sous l’impulsion du Conseiller administratif en charge de la culture à la Ville de Genève et de sa volonté de mettre en débat la réalité et la politique du théâtre, l’équipe de coordination lui soumet des thèmes susceptibles de couvrir les différents aspects de la réalité du théâtre et de ses préoccupations. L’équipe propose également des intervenant-e-s à même d’enrichir le débat.
Chaque rencontre gravitera autour de textes proposés ou sera-t-elle organisée de manière autonome par les personnes responsables ?
Chaque rencontre traitera d’un thème spécifique, certaines interrogations sont déjà formulées sur les pages correspondantes du site qui ne demandent qu’à être enrichies librement sur le site; le débat lui-même se déroulera en fonction de ces propositions, des interventions des orateurs et des oratrices et du public.
Quelles collectivités publiques participeront aux débats?
L’Etat est associé aux Rencontres théâtrales et participera à certaines rencontres en tant qu’intervenant. Les Villes et les Communes de la région seront également invitées à participer.
La coordination des Rencontres théâtrales
Mathieu Menghini
Natacha Jaquerod
Jacques Magnol
Merci de vos reponses :
Au sujet des invités, quand vous dites qu’ils seront choisis, car … « connus pour leurs travaux dans le champ du thème spécifique, leur rôle sera de faire part de leurs recherches avant d’ouvrir le débat »… le quid est là, car la théorie peut se comprendre et définir de manières diverses.
Pour moi dans le domaine théâtral c’est toujours une théorie qui découle de la praxis, de l’expérimentation et du terrain.
Je me répète, je crois que dans la diversité théâtrale Genevoise il commence à être temps que nous puissions connaître quels sont les pensées théâtrales et les projets artistiques des personnes qui gèrent, programment et font du théâtre ici. Si nous faisons l’impasse sur ça, nous aurons à la fin une nouvelle brochure, toute jolie, afin de nous résumer les interventions des gens que pour la plus part du temps méconnaissent la diversité théâtrale genevoise.
Je crois que ces rencontres sont une opportunité unique pour qu’enfin nous sachions qui pensent les gens du théâtre, quel est leur point de vue artistique sur leur pratique dans le contexte actuel. Il temps que les discussions puissent dépasser les problèmes lies aux portes-monnaie et à la gouvernance (évidemment ils sont très importants et très mobilisateurs)… mais nous faisons du théâtre parceque nous avons une pensée théâtrale et artistique sur notre art et sur la place qu’il peut prendre dans notre société.
Bonjour, en réaction à la newsletter, je trouverais intéressant de questionner des notions comme celles de ‘non-publics’ ou ‘publics potentiels’. Je pose ce problème car comme adepte des pratiques artistiques dans l’esapce public qui transcendent les disciplines artistiques nous voyons qu’en Suisse ce point est souvent éludé. Si le désir de sortir des pressions dues à l’emprise de l’économie de marché est fort, il faudrait trouver des notions-clés sur lesquelles s’appuyer. La notion des non-publics est une de ces notions que je trouve importante.
On peut créer un théâtre ‘non-marchand’ qui se réserve à un public d’initiés et s’en satisfaire. Ce serait dommage.