Festival Off d’Avignon : « John a disparu » d’Israel Horowitz.

John a disparu, Caserne des pompiers, Avignon, jusqu’au 28 juillet 2008.
mise à  jour : au Théâtre des Amis, Carouge, jusqu’au 6 février 2009.

Opus bâti autour d’un père absent exhumé des ruines de Ground Zero, John a disparu confronte une mère, Pénélope, vestale prédisposée à  toutes les attentes impossibles (Gisèle Torterolo, très juste dans ce rôle de femme en souffrance aux prises avec une folie rampante) et sa fille asthmatique, Willa (Lucie Bosher partagée entre mémoire mise en crise et déni), qui ne veulent pas que l’oubli soit le seul linceul des disparus.

Entretien avec le metteur en scène Jean-Philippe Vidal. Par Bertrand Tappolet. 15 min.

Dans un style de short cuts, on découvre par bribes que d’un secret confié à  chacune par le père (Loïc Barbant tout de désarroi contenu), surgissent un partage difficile et des comportements névrotiques liés à  la désagrégation d’une relation et d’une famille. La mère est ainsi bloquée, un temps, intérieurement, dans un état d’effroi face au ressassement du tragique ramenant aux disparus du 11 Septembre. Le dispositif scénique pose les lignes de fuite de ces destins croisés avec trois flèches en rubalise, comme le rappel d’une scène de crime ou du sillage de trois avions piratés dans le ciel. Derrière une immense baie opalescente et lumineuse, réminiscence du restaurant «Window on the World», se dessine une ombre gigantesque. Cette possible évocation d’un 747 sur le point de se crasher sur une tour se révélera in fine le fantôme du père ayant fracassé, de son vivant, les existences de ses proches. Avant d’apaiser celle de son épouse par-delà  la mort.

Jean-Philippe Vidal dirige ce « meurtre psychique », dont parlait déjà  Strindberg, avec une finesse, un doigté et une sensibilité qui touchent au coeur des personnages et trouvent la vibration des sentiments. Contrepoint d’une profonde humanité à  l’héroïsation et à  l’instrumentalisation des victimes des attentats par le discours politique, la pièce rejoint l’univers du mythe et dit, avec une convulsive discorde intérieure, les blessures intimes qu’Horowitz ausculte si bien. Par ses thèmes essentiels, l’imposture, la trahison, le refoulement et son traitement, John a disparu n’est pas sans rappeler l’univers de Pinter, où les personnages se créent des refuges factices mis à  mal par une révélation concernant le passé.

John a disparu, Caserne des pompiers, Avignon, jusqu’au 28 juillet 2008.

mise à  jour : au Théâtre des Amis, Carouge, jusqu’au 6 février 2009.
Texte publié aux Editions Théâtrales.

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