Face au mur

wetzel605
Nathalie Wetzel. Villégiature (détail).

Le monotype, technique qui consiste à dessiner à l’encre typographique sur une plaque de verre, pour imprimer par contact des épreuves sur papier, n’est pas la meilleure façon de reproduire une photographique et encore moins de réaliser une estampe à la taille du mur. Cependant, c’est bien ce que fait magistralement Nathalie Wenzel pour son exposition à Halle Nord.

Elle couvre l’intégralité de la grande paroi côté Rhône par une immense composition, assemblage de 250 monotypes. Mise au carreau et à l’échelle de l’architecture, cette vue en noir et blanc est celle d’un chantier à l’abandon. Un immeuble de bord de mer en béton, avec balcon, partiellement recouvert de filets de sécurité.

De loin l’effet est bluffant, l’illusion presque totale, tant le rendu est photographique. De près, traces de doigts, dégradés de gris, noir saturé qui vire au bleu dans ses brillances permettent de douter. Les raccords entre les feuilles se font assez bien pour que les motifs se fondent à distance en un continuum et que, de près, l’approximation crée de l’hésitation. Le trompe l’œil n’en est pas totalement un et se montre en tant que tel. L’image, monumentale est finalement plus frêle qu’il n’y paraît. Aussi fragile que les certitudes d’un premier coup d’œil qui d’un coup porté au regard par le détail s’en trouvent ruinées.

S’en suit alors – pour les curieux – un examen plus minutieux, des allers et retours, vue d’ensemble et revue de fragments, grand comme les cubes des balcons, resserrés comme les croisillons du filet. L’œil est pris au piège, va-et-vient entre les noirs et les blancs qui s’avèrent gris, entre les droites qui se coupent, quadrillent et vibrent dès que l’on s’en approche. Ce grand chantier, passage d’une image technique à sa reproduction manuelle aussi fragmentaire qu’unifiée est un leurre. Le temps qui passe, qui fait de cet immeuble inachevé déjà presque une ruine, comme celui de la reprise en main et en matière, mise en œuvre d’un cliché balnéaire, croise le temps nécessaire au regardeur pour appréhender toute la complexité de ce panorama.

Au mur image fait d’images de mur, répondent 259 courts intitulés en guise de titre pour chacun de ces monotypes tracés sur le mur d’en face par Hervé Laurent pour jouer au rebond.

Claude-Hubert Tatot.

 

Nathalie Wetzel
Villégiature
Halle Nord, Genève. 16 septembre – 16 octobre 2015.

V. le site de Nathalie Wetzel.

Tagués avec : , ,
Publié dans art contemporain, arts, expositions