La poétique liée au corps de Yann Marussich

Yann Marussich

Yann Marussich. “L’arbre aux clous“. Photo: Isabelle Meister.

Dans le cadre du festival Archipel, Yann Marussich se livre à une expérience de micro-performativité lors d’une réinterprétation contemporaine de la planche à clous.

La voix haute de Cristiana Presutti investit l’espace de la Black Box dans un enchaînement de figures rythmiques diffusées par un dispositif de haut-parleurs. Entre la voix et l’objet sonore, la performance de la soprano fait écho aux percussions qui rythment la descente périlleuse de Yann Marussich, suspendu depuis le plafond, vers un impressionnant lit de pointes acérées. Le spectateur, libre dans sa déambulation, contemple, écoute et circule dans une situation de défocalisation non-narrative. Une atmosphère clarifiée s’installe et ouvre alors sur un nouvel espace inconnu.

La présence du Moi-Peau
Le dispositif a posé lentement l’artiste sur un tapis de clous en forme de fauteuil apparemment confortable, mais la vision des pointes qui s’impriment dans le corps nous indique que la situation est plus douloureuse que confortable. Yann Marussich indique : « Toute ma pratique pourrait se résumer à  une poétique liée au corps dans des situations à  la fois ordinaire et extra-ordinaires (…) Cette confrontation produit un choc visuel à  la fois repoussant et fascinant. Toute ma préoccupation réside dans le fait d’adoucir par la poésie et ma présence sereine cette confrontation.»

Yann Marussich. L'arbre aux clous. Photo: Isabelle Meister.

 Yann Marussich. “L’arbre aux clous”. Photo: Isabelle Meister.

« L’arbre aux clous » du performer genevois crée une image paradoxale de repos et de danger. Une image qui traduit la présence de l’être reconstruit dans la combinaison des sens du toucher et de la vue. En référence au concept du psychanalyste Didier Anzieu, le Moi-Peau est considéré dans une perspective psychologique. Ce Moi-Peau s’appuie sur des sentiments et des sensations déjà  éprouvés, les sensations de la peau, celles du spectateur et celles de l’artiste. C’est ainsi que l’on peut concevoir la construction poétique du regard au fil des performances de Yann Marussich.

La micro-performativité

Durant l’heure que dure la performance de Yann Marussich, l’artiste se tient immobile sur une « forêt de clous » selon son expression. Mais cette absence de mouvement traduit-elle la passivité pour autant ? Jens Hauser, le théoricien et commissaire d’exposition <sk-interfaces>, apprécie l’immobilité dans les performances de Yann Marussich car elle se dote d’un enrichissement phénoménologique –

Interview de Jens Hauser, par Yi-hua Wu (lors du festival trans3 au Grü, février 2011)

L’absence de geste révèle un autre ab-sens qui ne relève pas de la centralité du langage. Par l’intermédiaire de cette « végétalité », l’observateur transforme ce micro-mouvement physique en un autre état physiologique.

Yi-hua Wu

L’arbre aux clous. Dans le cadre du Festival Archipel. 21 au 27 mars 2011. Black Box. Grü. Genève.

Performance : Yann Marussich / Composition musicale : Arturo Corrales / Eclairages : Michel Gubintif / Construction du décor : David Chatel et le Grand Garage du Nord / Chanteuse : Christiana Presuti / Percussioniste : Aïda Diop / Production et administration : Perceuse Production Scènes, Thuy San Dinh et Julie Semoroz / Coproduction GRàœ/Théâtre du Grütli et Festival Archipel.

 

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