Cindy Van Acker, retour sur deux ans de création, en six soli

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Chorégraphies Cindy Van Acker. Photos Isabelle Meister.

Cindy Van Acker, chorégraphe d’origine flamande installée à  Genève, présente six soli créés entre 2008 et 2009, interprétés par Tamara Bacci, Rudi van Der Merwe, Luca Nava, Perrine Valli, Marthe Krummenacher.

Retour sur la création de ces soli, en trois entretiens.

Obvie

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Chorégraphie: Cindy Van Acker / Interpretation : Tamara Bacci
Pour Obvie, la chorégraphe d’origine flamande Cindy Van Acker a conçu pour les contreforts corporels de Bacci – où la grâce le dispute à  l’exactitude – une partition aussi mathématique que méditative. Neuf mouvements avec leurs modulations de vélocité forment ainsi dix-huit phrases qui sous-tendent une logique voulue évolutive. Habillée de bleu, la danseuse se jette comme à  l’eau, glisse furtive à  la surface d’un tapis de sol blanc immaculé avent de s’enfoncer doucement dans une grammaire tissée de stations successives, jambes en ciseaux, corps d’équerre, qui mêlent sentiment de lâcher prise et concentration intérieure. Comme une prière adressée entre deux-eaux.

Entretien avec Tamara Bacci. Par Bertrand Tappolet. 17’05.

Antre et Nodal

Entre abstraction et concrétude figurative,”Antre” frappe d’entrée par le dialogue instauré entre un dispositif scénographique, qui telle la vision proposée par un phare maritime, donne à  voir par intermittence un danseur (Ruedi Van Der Merwe) roulant sur lui-même, moulinant lentement l’air de ses bras qui dessinent des mouvements circulaires. Inspiré par l’écrivain transalpin Emilio Vittorini, l’antre représente pour le protagoniste principal de son roman “L’Oeillet rouge“, l’expression de son vivre intime. Il relie son vécu au présent et au futur à  travers un territoire commun qui prend la place de son journal intime. L’antre est un espace en soi, il est expressif et contemplatif.

Composé pour le danseur Pascal Gravat, “Nodal” témoigne du mouvement ralenti à  l’extrême des danses de Cindy Van Acker, nourrie d’une pratique assidue du yoga. La pièce chorégraphique ouvre à  une perception exceptionnelle de la circulation des masses et de l’énergie, à  deux doigts de basculer dans une sorte de retournement temporel, et dans l’intériorité du mouvement. Fort de sa densité et de ses rythmes incommensurables, le danseur est juché sur un immense iceberg luminescent formé par la structure métallique du premier solo recouverte d’une toile blanche. Dans un mouvement oscillant entre abstraction et réalisme, se développe tout un exercice de la contemplation, cette épreuve toute de tension contenue où l’humain se confrontant à  ce qui le dépasse, s’occupe à  reprendre la mesure de lui-même. (B.T.)

Entretien avec Cindy Van Acker. Par Bertrand Tappolet.

Obtus et Nixe

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Dans leur façon singulière de rendre au spectateur un monde de sensations, les solos « Obtus » et « Nixe » voient le vibrato d’un paysage corporel subtilement innervé par l’atmosphère sonore réussie due au finnois Mika Vainio, figure emblématique de la scène électronique expérimentale. «Je suis partie pour Obtus sur le travail de l’image. Pour Nixe, le travail s’est développé autour d’un carré géométrique de 21 néons à  l’intensité luminescente variable. Ils sont posés au sol, dessinant une surface changeante semblable à  une piscine. L’autre module de l’espace scénique est présent pour le dynamiser. Scénographie et lumières dictent ainsi la structure de la pièce. La chorégraphie explore la notion de vertige en écho au canevas mythologique lié à  la figure de la nixe, nymphe des eaux dans les légendes germaniques», relève la chorégraphe. La nixe avait le pouvoir d’ensorceler les humains, les attirant dans l’onde pour les noyer à  l’issue d’un bal nocturne.”

Eclipses de corps
« Obtus » tient son éloquence de la grâce de gestes ténus allongeant bras et jambes aux extrêmes ou plissant délicatement les mains comme des cartes que l’on distribue, l’espace du corps semble doucement coulisser au fil d’une première traversée. Le retour de parcours se fait au noir d’où ressurgissent par intermittence une main, la naissance d’un bras, un buste torsadé entraperçu de profil ou un visage encadré de lignes de bras fléchés. Par instants, le travail mené aux frontières du spectre visible peut évoquer « Mua » d’Emmanuelle Huyn, solo dansé dans la quasi obscurité et subvertissant tous les mécanismes perceptifs. L’image du corps est à  la fois « têtue et fuyante, lisse et échappée », comme l’écrit Roland Barthes pour ce qu’il nomme « le sens obtus » Au final, sous une lumière chair orangée, le corps plié en son mitan se fait fascinante sculpture posée sur trois axes. Un bras merveilleusement flexible se désolidarise du reste de l’anatomie et fore, comme en apesanteur, l’espace alentours. (B.T.)

Entretien avec Cindy Van Acker. Par Bertrand Tappolet.  13’57.

Bertrand Tappolet

Les 4 films

“Chaque film est une interprétation cinématographique unique du solo correspondant et fait appel à un traitement visuel et sonore spécifique, déclinant différemment l’interaction de l’interprète avec le décor qui l’accueille. Un dispositif et un endroit propres à chacun, définis par association ou par contraste, dans le conditionnement mutuel entre l’espace, le temps et le corps. Autant de possibles pour accompagner ou exacerber le geste, traquer la genèse du mouvement dans le jaillissement d’un muscle ou travailler le rapport plus ou moins conflictuel du corps à l’espace.”

Objet d’étude pour création 2011: PPSIX
L’objet d’étude annonce la future pièce de groupe. Soit une séquence de mouvements qui glisse progressivement vers une impasse temporelle, les six danseurs se relayant durant toute la pièce dans l’exécution de cette phrase.

Bertrand Tappolet

Représentations principalement au Théâtre du Grütli. Genève. Les 10, 11 et 12 décembre 2010.

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