Benoît Billotte transforme un non lieu de Lancy en un paysage poétique

Benoît Billotte, Ligne de terre, peinture murale, 2020. Photos Jacques Magnol.

Ligne de Terre, peinture murale de Benoît Billotte habille le mur de soutènement dans la boucle de rebroussement du nouveau tram 17 à Pont-Rouge. Voie de chemin de fer, arrivée de tram, croisement de routes et de passage de piétons c’est un carrefour.
Coincé entre deux tertres, ce mur ferme en sorte de cul de sac ce non-lieu dominé par les silhouettes sombres et massives d’une batterie d’immeubles. Il est encore sur le tracé de la promenade Nicolas Bouvier, à venir qui ouvre d’autres perspectives.

Le projet de Benoît Billotte, lauréat à l’unanimité du concours organisé par le Fonds d’art visuel de la Ville de Lancy, s’inscrit pleinement dans ses préoccupations artistiques : Architecture, cartographie, voyage, réalité et poésie. Billotte Artiste arpenteur comme il se définit, fait ici écho à Bouvier écrivain voyageur. Il lui emprunte un de ses titres le « Poisson scorpion » pour faire image via les constellations cosmiques éponymes.

Pour autant, cette élévation poétique ne maquille pas la rudesse urbaine du lieu. La peinture murale, est un feuilletage en trois registres qui se déploie en frise. Le premier, lignes et aplats noirs sur fond de béton gris fait socle. Tellurique, il évoque strates et chamboulements géologiques. Le deuxième, tracé plus léger, en jaune, s’apparente à un relevé de courbes de niveaux auquel se superpose en blanc les représentations des constellations du poisson et du scorpion en hommage à Bouvier.

Du plus dense au plus léger laissant de plus en plus place aux réserves, du noir sombre au blanc en passant par le jaune, la composition très graphique et finalement abstraite s’impose dans ce paysage chaotique et fait oublier l’aspect barrage de ce mur. Il lui donne un sens, l’ouvre à d’autres horizons.

Cartographie, géographie, astronomie se mêlent. Ces représentations codifiée, outils de connaissance et de travail pour maitriser le monde et le transformer évoquent différents temps : Celui de la mise en globe du monde terrestre et céleste, celui des premiers panoramas contemporains du chemin de fer, celui des relevés de fouilles et des grands travaux liés à l’extension des villes.

La ligne, celle du dessinateur artiste ou ingénieur, sonne comme celle de chemin de fer ou de métro. La terre est autant celle retournée ici que la planète entière au sein de l’univers. Ces strates successives sont à la fois métaphores du monde et de la réalité du lieu. Ligne de terre et carte céleste déploient un panorama ancré dans le réel et qui ouvre vers des ailleurs poétiques.

Claude-Hubert Tatot

 

Le concours

Ligne de Terre De Benoît Billotte est la dernière réalisation d’art dans l’espace public à Lancy. Ce projet est le lauréat d’un concours ouvert organisé par le Fonds d’art visuel de la Ville de Lancy, à la demande du Conseil Administratif qui désirait que le grand mur de soutènement CFF situé dans la boucle de rebroussement du nouveau tram 17 à Pont-Rouge ne fasse pas l’objet de graffitis, mais soit le support d’une peinture murale.
Dix-neuf dossiers sont parvenus et ont été étudiés par un jury qui a choisi à l’unanimité la proposition de Benoît Billotte d’une part pour sa cohérence avec le reste de sa production artistique et d’autre part pour la manière particulièrement harmonieuse de s’inscrire dans un paysage urbain chaotique et très chargé en éléments disparates.

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