Mercredi 9 mai 2007, 13h, un étrange regroupement d’étudiants se forme devant Uni Mail sur l’appel du Groupe Universitaire d’Amnesty International de Genève. Dans leur main un carton orange, non pour supporter le parti de l’ex-candidat à la présidentielle François Bayrou comme l’ont supposé certains, mais orange comme la couleur de la tenue des prisonniers de Guantanamo. Photo : Fabrice Praz.
Bientôt rejoints par d’autres, les premiers étudiants se mettent peu à peu en place pour former une chaîne humaine géante de 160 personnes. Vue d’en haut des lettres se dessinent: CLOSE IT! L’opération prend quelques minutes, le temps de prendre une photo, d’immortaliser la première action de ce genre en Suisse visant à demander la fermeture immédiate de cette geôle tristement célèbre sise sur la base américaine à Cuba.
Cela fait plus de cinq ans que les premiers détenus sont arrivés là -bas, certains ont déjà été innocentés et libérés, d’autres attendent depuis des années d’être jugés, équitablement. C’est le cas par exemple de Yousef al Shehri, saoudien arrêté à l’âge de 16 ans en Afghanistan et transféré deux mois plus tard à Guantanamo. Régulièrement, des fuites en provenance de la base relatent des traitements inhumains et dégradants des prisonniers, des fuites qui sont notamment relayées par Amnesty International: humiliations, alimentation par la force de prisonniers en grève de la faim et autres traitements innaceptables ne sont pas des pratiques isolées, mais des cas fréquents.
Sur les stands de publicité qui ont précédé la manifestation certains passants s’interrogent, la lutte contre le terrorisme ne justifie-t-elle pas de tels traitements? Sur ce point, la position d’Amnesty International est très claire: tout individu a droit à un procès équitable, quel qu’aient été ses crimes et la torture n’est jamais acceptable, quel que soit les motifs qui y poussent. D’autres ne voient pas l’utilité de ce genre d’actions symboliques: « Cela ne sert à rien » entend-on souvent. S’il est évident qu’une seule action isolée ne peut faire changer d’avis le gouvernement des Etats-Unis, on a déjà vu par le passé des mouvements sociaux amener à des réflexions collectives importantes (mouvements contre la guerre du Vietnam aux Etats-Unis par exemple). Chacun agit donc au niveau qu’il lui est possible, s’exprimer c’est aussi amener à ne plus tolérer tacitement ce qui est manifestement intolérable. Enfin, et ce qui peut paraître incroyable, certains n’ont tout simplement jamais entendu parler de Guantanamo, preuve s’il en est que ces manifestations sont utiles, ne serait-ce que pour amener à faire parler de ce qui n’est que peu médiatisé, pour contribuer à l’ouverture d’un débat public, dernier point essentiel à la santé d’une démocratie.
Gérard de Nerval a dit un jour: « Rien n’est indifférent, rien n’est impuissant dans l’univers; un atome peut tout dissoudre, un atome peut tout sauver », avec le succès de cette manifestation, le groupe Amnesty International de l’Université de Genève s’est donc rallié à un mouvement mondial de mobilisation pour démontrer leur solidarité aux prisonniers et pour que cessent enfin les violations graves des droits humains au nom de la guerre contre le terrorisme, il espère que d’autres groupes continueront à en faire de même.
un grand bravo a ceux qui ne les oublie pas