Contrairement au budget 2012, fortement attaqué au sein des commissions du Conseil municipal (CM), le budget 2013 n’a fait l’objet d’aucune question ou proposition dans le cadre des travaux en commissions, que ce soit celle des Arts et de la culture ou celle des Finances.
Il faut dire que ce budget ne comportait aucune augmentation pour le domaine du théâtre (contrairement à l’an passé où une augmentation de 300’000 francs pour Pitoëff et une de 200’000 francs pour l’Orangerie ont été votées) et il n’y pas eu non plus de menaces de coupes comme l’an dernier. Le Département a toutefois inscrit les transferts de deux lignes pour clarifier les articulations entre le fonds général et certaines institutions. C’est sur cette clarification qu’il y a eu un débat en plénière et plusieurs interventions de la part des milieux professionnels à l’adresse du Département de la culture et du sport. Je souhaite profiter de l’espace donné par le Site des Rencontres théâtrales pour expliquer les clarifications réalisées et les implications des débats au sein des Rencontres sur d’éventuelles réformes à venir, en insistant notamment sur le fait que ces transferts ne constituent en rien une sorte de conclusion anticipée des Rencontres. Sur un plan technique, ils ont été initiés au début du processus budgétaire, soit en mars 2012.
Les soutiens aux compagnies et aux théâtres par les subventions monétaires se font sur 3 niveaux :
- Les institutions qui ont une ligne au budget pour le fonctionnement et la création et dont les projets ne peuvent solliciter le Fonds général théâtre (Comédie, Poche, Grütli, Am Stram Gram, Marionnettes, Saint Gervais, Loup)
- Les institutions qui ont une ligne au budget pour le fonctionnement et dont les projets sont soutenus par le Fonds général théâtre de la Ville et d’autres collectivités (Orangerie, Pitoëff, Casino Théâtre, Galpon, Parfumerie, Théâtre de l’Usine)
- Les institutions indépendantes et les compagnies indépendantes qui soumettent leurs projets à la ligne consacrée Fonds général théâtre (T50, Etincelle, Traverse, projets hors institutions, compagnies, etc.)
Depuis plusieurs années, deux théâtres genevois bénéficiaient de soutiens du Fonds général théâtre avec un montant réservé de manière fixe pour les projets des compagnies actives à Genève, ce qui entraînaient, chaque année, au moment des comptes, de longs débats avec le Conseil municipal qui questionnait régulièrement cette pratique. En tant que nouveau Magistrat, je me suis engagé à clarifier cette situation, ce qui a été fait au budget 2013 avec le transfert de 200’000 francs respectivement pour le Théâtre du Loup et celui de Saint Gervais.
Ces transferts n’entraînent aucune baisse de moyens pour la création des compagnies actives à Genève car ces moyens devront être consacrés à des projets réalisés par ces mêmes compagnies, comme jusqu’à présent. Toutefois, j’ai bien compris que ce transfert de compétences aux directions des théâtres inquiète certaines compagnies et qu’il est demandé à la Ville de suivre ces questions de près. Bien que ces clarifications budgétaires intervenues au budget sont indépendantes du processus des Rencontres théâtrales, je prends très au sérieux les réactions qu’elles ont provoquées et j’établis le lien avec d’autres sujets traités pendant nos débats.
Ainsi, les responsabilités des directions et des institutions dotées de moyens de production ont été évoquées à plusieurs reprises au sein des Rencontres théâtrales. Plusieurs propositions ont été faites, comme la clarification des cahiers des charges, l’amélioration des conditions de travail pour les intermittent-e-s, la mise en place de quotas de créations locales, la tenue de statistiques des emplois créés pour les intermittent-e-s, la limitation de la durée et du nombre des mandats des directions, le développement des résidences de compagnies et d’auteur-e-s, la mise à disposition d’un lieu sans direction, le développement des conventions, l’allongement de la durée des spectacle et du travail, le soutien aux reprises, ou encore le soutien à des projets rassemblant institutions et indépendants. L’ensemble de ces idées sont en discussion et certaines feront l’objet de propositions à rediscuter avec les milieux professionnels.
Il me semble que l’opposition entre compagnies et théâtre indépendants d’une part et les institutions d’autre part doit être dépassée. De nombreuses compagnies actives à Genève travaillent dans les institutions de la Ville de Genève et quand les institutions sont renforcées c’est tout le domaine du théâtre qui doit en bénéficier. Cela dit, nos discussions avec le Syndicat suisse romand du spectacle nous montrent que la question de l’emploi est sensible et complexe et doit également s’intéresser, par exemple, aux durées et aux montants des salaires dans les institutions.
Les pouvoirs publics doivent être les garants de ces conditions de travail et du rôle que jouent les institutions pour le développement des projets. Un point important que les Rencontres théâtrales ont permis de souligner et de discuter.
Le Site reste actif pour recueillir vos réflexions sur ces questions, et dans l’attente de vous retrouver le 31 janvier prochain à la Haute école de travail social pour la sixième Rencontre consacrée au public, je vous souhaite une excellente fin d’année et mes meilleurs vœux pour 2013.
Sami Kanaan
Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi on continue de faire la différence entre la politique culturelle « théâtre » et les autres « arts de la scène », dont la danse, pourtant si active dans notre région et posant de fait des problèmes aux services culturels de la ville et du Canton de par son foisonnement et le nombre de propositions de créations, donc de subventionnement et son manque d’infrastructures (lire note en fin de texte ).
On opère donc un transfert de fonds, de responsabilité vers les théâtre, on « éclaircit » la situation. Pourquoi pas, c’est bien, mais sans pour autant demander aux lieus de moderniser leur approche, leur compréhension et l’intégration des arts scéniques au sein de leurs programmations. Il me semble pourtant qu’il est devenu clair et évident qu’à Genève, les compagnies de danse sont par trop à l’étroit dans les programmations de danse « historiques » qui n’arrivent pas à absorber toute la production et accompagner l’évolution du niveau des compagnies de danse, porter leurs projets en Europe et dans le monde. Nous avons des coproducteurs internationaux mais rien de solide à Genève! Les structures saisonnières n’arrivent pas (ne veulent pas?) proposer des grands plateaux aux créateurs locaux. La chorégraphe Belge Michèle Anne de Mey est programmé par l’ADC cette saison au BFM mais pas La Ribot avec sa création pour le Ballet de Lorraine. Le public genevois ne verra pas cette pièce à cause du manque d’infrastructure pour l’accueillir, il faudra aller au journées de danse suisses à Bâle au mois de février pour la voir… Il s’agit pourtant d’une production « gratuite » pour les contribuables genevois qui n’ont pas financés cette production du Ballet de Lorraine. Qui a pourtant ramené du « cash money » en ville, qui sera dépensé à Genève et qui servira à compléter le financement annuel de la Cie La Ribot, donc l’emploi, et générera des impôts et de l’activité économique.
Je trouve ainsi que l’on porte beaucoup d’attention au théâtre genevois qui ne fonctionne pas si mal que ça, qui ronronne même au sein de ses frontières cantonales et ses institutions, tandis que l’on n’aborde pas frontalement les problématiques de la danse qui a de vraies difficultés structurelles: Manque de lieux de programmation, manque d’institution phare et bien dotée, des associations professionnelles pas très représentatives, tandis que le seul lieu exclusivement dédié à la danse dans notre région est dirigé artistiquement depuis plus de 25 ans par la même personne… L’équivalent de 3 ou 4 génération dancistique! le thème de « la limitation de la durée et du nombre des mandats des directions » est abordé pour les salles de théâtre mais pas pour la danse?
La question de la notion « arts scéniques » n’est pas abordée frontalement non plus, cet espace commun à bon nombres d’artistes genevois, catégorisés malgré eux « théâtre » ou « danse » (ou art visuels, ou musique…). Est ce que cela fait sens de présenter Oskar Gomez et Yan Duyvendack aux rencontres théâtrales et La Ribot et Gilles Jobin aux journées de danse suisses tandis que Yann Marussich n’est programmé nul part parce qu’il est isolé dans son domaine malgré sa notoriété? Une compagnie émergente comme Empty Words, sélectionnée aux Journées de Danse suisse avec leur première pièce est beaucoup plus proche artistiquement du travail de Yann Duyvendack que de celui de la Cie 100% Acrylique (on pourrait aussi parler du niveau de l’émergence en danse par rapport au théâtre…). On scinde, on nous sépare formellement par genre au lieu de nous regrouper artistiquement et de montrer la force de notre « scène contemporaine »… Si on nous regroupait pour notre « contemporanité », bons nombre de débats n’auraient plus lieu d’être! Je serai au côté d’Oskar Gomez et de son théâtre « post dramatique » que j’adore et ne perdrait plus mon temps a argumenter avec les tenants d’un théâtre « texto centré » si loin de mes préoccupations artistiques! Pendant ce temps, à l’étranger on continue de penser qu’à Genève « il ne se passe pas grand chose »… Encore un problème entre la réalité et sa perception.
On en est encore a Genève à discuter de savoir si la danse sera représentée à la « Nouvelle Comédie », et de savoir si il y aura un directeur danse associé à celui du théâtre tandis qu’à Lausanne ils viennent de mettre 18 millions pour créer un « super Arsenic » dédié aux arts scéniques contemporains avec deux grandes salles et plein de studios de création bien équipés…. En Europe, toutes les structures modernes de programmation et production fonctionnent désormais avec des équipes de programmations: Un duo à Avignon (la nomination d’Olivier Py est unanimement considérée de fait comme rétrograde), des pools de programmateurs au Kunsten, une responsable pour la danse au Théâtre de la Ville à Paris qui est dirigé par un metteur en scène de théâtre! La Bâtie même a plusieurs programmateurs! Le directeur de théâtre tout puissant est une invention du siècle passé. On sclérose et bloque les scènes qui deviennent inaccessible pour le groupe d’artiste A face au groupe d’artiste B pendant des années et de fait on polarise les scènes qui sont pourtant faites pour s’entendre…
Il est essentiel de moderniser les institutions culturelles pour qu’elle soient capables de répondre à la contemporanité. Le contemporain c’est ce qui nous relie au réel. En politique, comme en culture c’est ce qui est le plus difficile à défendre le réel. On préfère en général un monde campé sur les certitudes du passé et envisager un future fait de promesses plus ou moins réalisables, plus ou moins consensuelles. Les artistes contemporains sont ceux qui travaillent dans le champ du réel. Et le réel, aussi bien dans la danse que le théâtre, la culture ou la politique, on ne peut pas y échapper et dans ce sens les artistes contemporains sont essentiels à l’innovation. C’est donc l’angle contemporain qui doit être adressé quand on parle de la scène genevoise.
Ma sensation au niveau des Rencontres Théâtrales, c’est bien que l’on n’a pas abordé le sujet du réel. En tous les cas, ma réalité d’artiste de la danse n’a été qu’effleurée. L’absence de la présence « institutionnelle » de la danse au cours des débats a été flagrante, un peu honteuse même. La danse est restée essentiellement muette, même si au final on a paradoxalement beaucoup parlé de danse lors de ces rencontres. Quand lors des Rencontres à la Comédie les deux magistrats remercient nominalement dans leurs discour deux chorégraphes indépendants pour leur engagement dans le débat et ne cite aucune organisation professionnelle de danse et que le reste des professionnels de la danse qui sont présents restent muets je ne peux que me dire que nous n’avons que ce que l’on mérite… L’ADC semble tétanisée autour de son projet de Pavillon (qui devrait pourtant être acquis depuis le temps!) tandis que l’on nous accuse (plutôt que de nous solliciter), en posant des questions, en intervenant, en modulant, de mettre en danger le Pavillon et la Nouvelle Comédie! Mais moi, ce que je n’ai pas compris c’est pourquoi ceux qui ne proposent que du théâtre pour la Nouvelle Comédie, un « déménagement », ne sont pas vus comme ceux mettant en danger ce projet! En 2019, un théâtre qui n’intègre pas de plein pied tous les arts scéniques serait anachronique, donc inadéquat pour la population genevoise! Le danger ne vient donc pas de notre volonté d’avancer mais des positions rétrogrades sur ce qu’est la réalité de la scène contemporaine aujourd’hui à Genève. On nous a même reprochés (la danse) de s’intéresser à la Nouvelle Comédie « trop tard »! l’inauguration est prévue pour 2019, j’ai 48 ans , j’en aurai 55 quand elle va ouvrir et je suis en retard? Un chorégraphe qui débarquerait à Genève demain n’aurait rien à dire? N’est ce pas plutôt surprenant que de ne pas avoir consulté la danse pour concevoir une salle de spectacle du XXIeme siècle? Les amis de la Nouvelle Comédie sont pourtant des professionnels qui travaillent régulièrement avec la danse comme créateurs ou techniciens! On nous encourage à prendre la parole librement, tandis que d’autres nous reprochent de le faire puisque ce serait « contre productif ». Je dois dire que je m’y perd un peu…
Alors pendant que l’on se psychanalyse à Genève, Lausanne prend le large et s’engage pour dix ans au moins de créativité débridées avec des infrastructures adaptées a ses besoins.
Ca devrait nous faire réfléchir au bout du lac…
Gilles Jobin
nb
6 cies de danse contemporaine conventionnées sont basées à Genève, sur une douzaine en Suisse et 5 ou 6 autres chorégraphes genevois (au moins) sont de niveau international. Ces six compagnies ont créé (pour les années 2009-2010-2011) 27 pièces et effectués 711 représentations dans 42 pays (source chiffres RG3C http://rg3c.ch/). L’impact sur l’emploi à Genève des six cie conventionnées correspond à 18 employés à plein temps pendant ces trois ans (pas trois mois), 145 intermittents, soit 15 équivalents plein temps ce qui n’est pas négligeable, sans parler du rôle d’ambassadeur culturel de la ville et du canton dans les plus de 200 lieus visités (et quels lieux…http://rg3c.ch/tournees-lieux). Et sur l’économie aussi: les 6 cies conventionnées genevoises ont générés en Suisse et à l’étranger, en 3 ans 2 millions de « cash money », soit un peu plus de 50% de leur budget en auto financement: ventes de spectacles, coproducteurs et recette diverses. Des chiffres formidables dont nous sommes fiers mais que l’on nous demande de cacher, ce serait contre productif et « néo libéral » que de les exposer… D’un autre côté, quel est le taux d’auto financement de la Comédie, son bilan de tournée certainement inversement proportionnels à ses moyens de création, la fréquentation publique et son bilan artistique? Les mêmes qui nous reprocheraient notre « étalage » de chiffres les exposent lors de leurs conférence de presse: Emplois des comédiens au Grutli, nombre de spectateurs à La Bâtie, nombre de lieux et spectateurs pour Antigel, nombre de danseurs impliqué dans une flash mob pour Reso! Est ce que le succès des compagnies de danse genevoise dérange les professionnels?