“Welcome”, pour Philippe Lioret les côtes de la Manche équivalent à  la frontière mexicaine

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« Welcome », le dernier film de Philippe Lioret plonge dans sa caméra dans le quotidien de ces clandestins entassés sur les rivages de la Manche, refoulés par l’Angleterre et traqués incessamment par la police française, tout comme les bénévoles qui leur viennent en aide, leur distribuant quelques couvertures, bols de soupe et surtout, un peu d’humanité dans un monde si protocolaire et bureaucrate qu’il en a oublié les valeurs fondamentales.La politique menée actuellement par le président Sarkozy est-elle à  l’origine de ce film?

C’est Olivier Adam qui m’a parlé de ce sujet mais comme il était engagé en Chine dans un autre projet, l’écriture s’est faite avec Emmanuel Courcol, avec qui j’avais déjà  travaillé sur mon film précédent, « Ne t’en fais pas, je vais bien ». Cela aurait dû être une écriture à  six mains mais pour finir, cela a été une écriture à  quatre mains. Comme à  chaque fois, j’envisage une nouvelle histoire avec la peur au ventre mais rapidement, la conviction d’avoir trouvé une pépite s’est affirmée. L’histoire de ces clandestins qui sont prêts à  tout pour traverser la Manche, même à  la nage, et rejoindre l’Angleterre, c’est d’une dramaturgie extrême. Ce qui se passe sur les côtes de la Manche équivaut à  la frontière mexicaine. Avec Emmanuel, on est allé là -bas, on y est allé plusieurs fois, on a tout pris dans le nez. On a rencontré pas mal de monde, des bénévoles des associations dont une femme formidable qui nous a raconté cette histoire que certains hommes essayaient de traverser la Manche à  la nage pour rejoindre l’Angleterre. C’était tellement fou, qu’on s’est dit qu’on tenait le cadre. Cette histoire nous taraudait mais c’était difficile de se mettre à  l’écriture. On a écrit cinq pages, puis dix, vingt, et à  chaque page, on se demandait si on allait être à  la hauteur de la précédente, ainsi jusqu’à  la fin.  Mais attention, certains nous disent que le film est politique, peut-être, mais nous nous ne sommes pas des politiques, nous on a toujours voulu raconter une petite histoire, avec la dimension humaine. Simon vit une rupture, et pour récupérer la femme qu’il aime, il s’aventure sur un terrain qu’il ne connaît pas.

Définiriez-vous votre film  « Welcome » comme un film engagé ?

Non, ce n’est pas un film engagé, mais un témoignage d’un pays à  une époque. C’est un constat, un regard posé. L’engagement est juste là  mais l’histoire personnelle de Simon, sa rupture avec sa femme, son désarroi, tous ces éléments sont très importants. J’ai juste eu l’impression qu’en traitant ce sujet des sans-papiers, j’exprimais une sorte de colère devant ce qui se passe aujourd’hui en France. Je l’avais déjà  fait avec « Tombé du ciel », racontant l’histoire d’un gars bloqué dans un aéroport, qui ne peut même pas repartir chez lui. Je garde toujours en vue tant la fiction que la réalité.
Cette façon dont on traite ces personnes : un pays où l’on protège les loups, où l’on importe des ours, mais d’où l’on expulse des êtres humains, c’est insupportable. Ces clandestins n’ont ni l’envie ni l’intention de rester en France, ils ne souhaitent qu’une seule chose : passer en Angleterre. Ils se retrouvent confinés dans des conditions lamentables là  où ils ne souhaitent pas rester. Ainsi, ce sujet très fort m’a permis de raconter une histoire avec une dramaturgie très forte entre deux êtres. Il n’y a que ça qui m’intéresse, l’histoire entre les gens. Le film ne se résume pas à  une histoire d’immigration, dure, sociale, engagée. Il y a aussi et surtout une belle histoire d’amour, de l’émotion, du spectacle, l’amour entre d’un homme pour une femme qui ne l’aime plus, justement à  cause de son manque de positionnement politique, l’amour qui s’établit entre un homme et le fils qu’il n’a pas eu mais qui pourrait être le sien. Le film parle des migrants en filigrane.

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