A la recherche du public du Théâtre Forum Meyrin

Le Théâtre Forum Meyrin (TFM) a lancé les sociologues sur la piste de son public pour découvrir sa composition en termes de préférences artistiques, d’âge, de sexe et de provenance géographique.  Après avoir observé une baisse régulière des ventes d’abonnements au TFM depuis six années consécutives, Anne Brüschweiler,  la directrice artistique, a entrepris d’en rechercher les causes dans le but d’élaborer une stratégie de développement des publics.

L’étude, réalisée par Sami Coll, Luc Gauthier et André Ducret, sociologues à l’Université de Genève, représente une avancée importante par sa méthodologie scientifique basée sur l’analyse des données concernant  exclusivement les spectateurs acheteurs d’abonnements. Selon la directrice, aucune recherche semblable n’a été effectuée à l’échelle cantonale ou même nationale.

Sami Coll, sociologue, Université de Genève.

Quelles sont les difficultés rencontrées lors de cette étude, les découvertes effectuées, les premiers changements provoqués ? Peut-on identifier les causes de la désaffection des jeunes vis à vis du théâtre, faut-il persévérer dans l’entreprise de démocratisation de l’accès à la culture normative (dans le sens étroit) ?

Autant de questions abordées dans cet entretien avec Sami Coll :

 

 

Un public vieillissant et moins fidèle ?

Les trois tendances les plus significatives de l’étude sont la diminution des abonnements, la féminisation et le vieillissement du public, résultats qui pourraient sembler, a priori, inquiétants pour l’avenir de l’institution indique Luc Gauthier. Cependant, comme l’explique Sami Coll, il est difficile sans interroger si les usagers du théâtre de savoir s’ils commandent moins d’abonnements parce qu’ils préfèrent la liberté de l’achat au coup par coup ou s’ils viennent moins au théâtre. D’autres études menées en Suisse comme à l’étranger aboutissent aux mêmes constats et il ne s’agit pas d’un problème propre au TFM. Les investigations montrent cependant que l’offre a fluctué au fil des saisons, s’est modifiée de façon plus ou moins significative à chaque changement de direction artistique.

La jauge: une variable qui rend difficile l’intréprétation des données relatives à la fréquentation

Quelle est le taux de fréquentation des lieux culturels: En 2008, quatre personnes sur dix se sont rendues au théâtre et « près d’un tiers de la population y est allé occasionnellement, contre 4% assidûment ». Deux individus sur 10 se sont déplacés pour un spectacle de danse, tandis que « 93% des habitants de ce pays déclarent avoir rendu visite, ne serait-ce qu’une fois, à au moins une institution culturelle – festivals, bibliothèques et cinémas compris – durant l’années 2008. » Etude OFS sur les pratiques culturelles. Olivier Moeschler.

Les investigations montrent cependant que l’offre a fluctué au fil des saisons, s’est modifiée de façon plus ou moins significative à chaque changement de direction artistique, qu’elle a suivi par la force des choses l’évolution des arts de la scène.

Je n’ai pas demandé à Sami Coll quelles étaient les raisons de la désaffection des jeunes pour le théâtre alors qu’ils y sont familiarisés depuis leur plus jeune âge, par exemple avec le Théâtre des Marionnettes qui ne désemplit pas, ensuite avec Am Stram Gram qui recueille le même succès, puis au cycle d’orientation, etc. de même il est difficile d’évaluer le taux de fréquentation d’un lieu car l’estimation  se heurte à la question de la jauge : tous les théâtres connaissent à l’unité près les spectacles qu’ils programment, les sièges mis à disposition et le nombre des spectateurs qui les occupent, mais ces chiffres sont un secret bien gardé.  Les quelques statistiques disponibles sont à pondérer selon les critères d’appréciation ; prenons une salle de 200 places, si la jauge est réduite à 30 sièges dont la moitié sera offerte gratuitement sur les réseaux sociaux et le reste vendu, c’est un taux d’occupation de 100%  dont le lieu fera état.
Toutes ces questions sur le public ne pourront trouver des réponses qu’au fil de rencontres ultérieures bien menées tant avec les convertis que les “récalcitrants” par les sociologues d’une totale indépendance en suivant une méthodologie scientifique et des règles déontologiques. Cett volonté de poursuivre l’étude sur une échelle plus vaste est exprimée par Sami Coll, Luc Gauthier et André Ducret, dans le document (en pdf) qui présente le fruit de leur recherche au Théâtre Forum Meyrin :

« A Genève, l’entrée en vigueur annoncée pour 2013 d’une nouvelle « Loi sur les arts et sur la culture » offre l’occasion de mettre en place, sur la base d’une collaboration entre professionnels de la culture et chercheurs universitaires – et pour autant que les autres le souhaitent – des outils d’observation systématique des publics. Développer conjointement une expertise dans ce domaine permettrait d’éclairer, sans parti pris politique, des enjeux de gouvernance culturelle à propos desquels sociologues, politologues, juristes, économistes ou historiens auraient, sans doute,  un avis  formuler au nom de l’ethos de la science…»

Jacques Magnol

 

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