Roman Signer, Le Pendule, Rezé (Trentemoult), création pérenne Estuaire 2009 © Gino Maccarinelli / LVAN
Plusieurs fois sinistrée, bombardements en 1943, fermeture des chantiers navals en 1986, la ville de Nantes a réussi une reconversion magistrale en s’appuyant sur la culture. Entretien avec Jean Blaise, moteur principal de ce renouveau. a su s’appuyer sur la culture et la création artistique pour faire de Nantes une ville dont les habitants sont fiers ainsi qu’une première destination touristique.
L’aventure commence en 1989 quand Jean-Marc Ayrault devient maire de Nantes. La ville a perdu son économie avec la fermeture, en 1986, des chantiers navals qui étaient situés en son coeur. Pendant dix à quinze ans, ce coeur devient une friche industrielle où personne ne va plus. Avant, en 1943 les alliés américains ont bombardé la ville qui fut très belle au XVIIIe siècle.
L’idée du nouveau maire est de relever l’économie de la ville, travailler sur les transports publics, accueillir le maximum d’entreprises, mais il a surtout l’idée de s’appuyer sur la culture et la création artistique pour faire revivre la ville. On a donc construit un dispositif culturel assez exigeant, de très bonne qualité, mais au service des nantais, l’idée était de faire en sorte que les Nantais vivent bien chez eux. En 2007, le Château des Ducs de Bretagne rouvre ses portes de grand musée d’histoire rouvre ses portes, les machines de l’Ile naissent avec ce grand éléphant qui devient l’emblème de la ville, puis la création de la biennale d’art contemporain Estuaire qui est une biennale atypique puisque on avait venir à Nantes de grands artistes internationaux pour créer des oeuvres in-situ sur les rives de la Loire.
Entretien avec Jean Blaise,
23 mai 2014. Jacques Magnol.
Nommé au début de l’année chargé de mission au ministère de la Culture, Jean Blaise doit mener un travail sur la question de l’art et de la culture dans l’espace public. Depuis 2011, Jean Blaise était à la tête du Voyage à Nantes, société publique locale qui coiffe l’ensemble des grands équipements touristiques nantais : Office de tourisme, Château des Ducs de Bretagne, Machines de l’île, etc.
Jean Blaise et Sandro Rossetti. Le 22 mai 2014, Jean Blaise était à Genève invité par l’architecte-musisien et co-fondateur du Théâtre du Loup pour une conférence intiutlée « Le paysage, l’art et le fleuve ».
C’est bien le tourisme d’agrément qui fait progresser Nantes
Nantes est très marqué par sa clientèle d’affaire, qui représente environ 70 % du taux d’occupation dans les hôtels.” Selon les chiffres de l’Insee : “En 2011 ou 2012, le nombre de chambres occupées en semaine est souvent deux fois supérieur à celui du week-end, avec une baisse générale de fréquentation en juillet et août. Nantes est aussi une des villes de France où les hôtels sont le moins cher.
Par ailleurs, d’après le Voyage à Nantes, “pour la première fois en 2012 le mois de juillet devient le 2e mois de l’année (après juin) avec 206 864 nuitées en progression de 9%, et le mois d’août 2012 entre pour la première fois dans le top 5 des mois les plus fréquentés de l’année avec 189 712 nuitées en progression de 7, 9%. En 2012, ils étaient 605 000 visiteurs, selon les chiffres de l’office de tourisme, soit 24 % de plus par rapport à l’été 2011. C’est bien le tourisme d’agrément qui fait progresser Nantes.
Exemple d’enseigne dont parle Jean Blaise dans son interview. © Gino Maccarinelli
Note : C’est à Yverdon que la ville de Nantes est allé chercher l’actuel directeur de sa « scène nationale » dont Jean Blaise a été le premier responsable. La richesse des programmes proposés en fait un lieu important de la vie culturelle nantaise. La direction de cette sorte de Super-Nouvelle-Comédie très éclectique ouverte à tous toute la journée, est ensuite passée au Suisse Patrick Gyger, ancien directeur de la Maison d’Ailleurs à Yverdon, une sélection effectuée au mérite. http://www.lelieuunique.com/
Le projet Estuaire
Le 22 mai, Jean Blaise a retracé les étapes du projet Estuaire : “La commande a été passée à la fois par les maires de Nantes et de Saint-Nazaire car les deux villes sont reliées par un estuaire de 60 km. En fait Saint-Nazaire est le port de Nantes et l’on continue d’y construire les plus grands paquebots du monde. Donc, la métropole Nantes – Saint-Nazaire se construit mais les populations des deux villes ne savent pas qu’elles sont dans une grande métropole. On me demande donc d’imaginer un événement culturel qui donnerait une identité commune et c’est ainsi que naît Estuaire avec la commande à de grands artistes comme Daniel Buren, Takashi Kawomata, Jimmy Duras de créer des installations in situ sur les rives de la Loire et dans les deux villes pour créer un immense travelling avec des oeuvres qui tirent leur sens du territoire d’où elles surgissent, ou bien donnent du sens à ce territoire, donc des oeuvres véritablement in situ, et j’insiste sur cette idée car c’est ce qui va nous guider ensuite tout au long du développement du projet. Ensuite pour montrer notre travail on crée un événement qui dure durant deux mois en été Voyage à Nantes.”
Huang Yong Ping, Serpent d’océan, Saint-Brevin-les-Pins, création pérenne Estuaire 2012 © Gino Maccarinelli/LVAN.
© Gino Maccarinelli/LVAN.
Daniel Buren et Patrick Bouchain, Les Anneaux, Quai des Antilles, Nantes, création pérenne Estuaire 2007 © Martin Argyroglo/LVAN.
Mise en place en collaboration avec l’architecte Patrick Bouchain, l’œuvre se découvre dans un parcours jalonné de 18 anneaux tournés vers le fleuve offrant autant de découpages sur le paysage fluvial.
Daniel Buren a voulu mettre au jour la double perspective de la pointe de l’Île de Nantes : celle, architecturale dessinée par le quai et ses entrepôts et celle, naturelle, de la Loire qui s’ouvre largement sur l’estuaire.
Cette perception est différente la nuit quand les anneaux s’auréolent de rouge, de vert et de bleu, trois couleurs, bases d’une infinie variété d’autres.
Felice Varini, Quai des célestins, n°3, Quai des célestins (appartement privé), Paris, 1980, actualisation n°1, Suite d’éclats, HAB Galerie, Nantes, Le Voyage à Nantes 2013 © André Morin.
Jean-Luc Courcoult, La Maison dans la Loire, Couëron, création pérenne Estuaire 2007 © Gino Maccarinelli/LVAN.
A Nantes, Les partis politiques de tous bords privilégient la culture comme atout de développement économique
- « Elle (Nantes) a su s’imposer en deux décennies comme l’une des agglomérations les plus dynamiques et inventives de France, objet de la curiosité de ses visiteurs. Nous sommes ainsi devenus une destination touristique à part entière, innovante et créative, qui sait accueillir ses hôtes, et même les surprendre. » Groupe Socialiste, Radical, Républicain et Démocrate.
- « D’ordinaire somnolente l’été, notre collectivité est désormais considérée comme une importante destination touristique française. Renversé par l’art, notre territoire a montré un nouveau visage avec la mise en valeur de ses atouts culturels mais aussi grâce au sens de l’accueil de ses habitants et commerçants. » Groupe Europe Écologie Les Verts et Alternatifs.
- « Valoriser les atouts culturels, patrimoniaux, environnementaux et économiques de la région nantaise, tel est, pour les élus communistes, l’enjeu du développement touristique. Depuis 2005, un nouveau développement de l’offre culturelle et touristique a été impulsé. Après la réussite d’ « Estuaire » et dans la même optique, Le Voyage à Nantes est devenu, au-delà de l’année 2012, un événement pérenne, facteur d’attractivité touristique aux retombées économiques évidentes. » Groupe des élu-e-s communistes.
- « Les 24 communes présentent une palette touristique riche: tourisme écologique, de plaisance, urbain, d’affaires, culturel, de terroir. Cette diversité doit être mieux prise en compte et mise en valeur pour attirer de nouveaux visiteurs et générer des séjours sur l’ensemble de notre agglomération. » Groupe Équilibre et Démocratie.
- « Que manque-t- il à Nantes, ville de transit, pour devenir une véritable métropole touristique ? Une image forte, internationalement reconnue, facilement identifiable. La Loire maritime et fluviale, notre principal atout au potentiel insuffisamment exploité. L’offre touristique est un des moteurs de l’économie locale. Les tourismes, urbain et d’affaires, les plus générateurs de valeur ajoutée, augmentent la clientèle étrangère. » Centre Démocratie et Progrès.
Culture et tourisme : un lien qui se renforce
« Durant la majeure partie du 20e siècle, tourisme et culture étaient considérés comme des composantes des destinations largement distinctes l’une de l’autre. On estimait que les ressources culturelles faisaient partie du patrimoine culturel des destinations, dépendant largement de l’éducation de la population locale et constituant le socle de l’identité culturelle locale et nationale. On considérait en revanche le tourisme comme une activité de loisir indépendante de la vie de tous les jours et de la culture de la population locale. Cette vision des choses a progressivement évolué vers la fin du siècle, à mesure qu’il est devenu de plus en plus évident que les atouts culturels exercent une influence, attirant les touristes et permettant aux destinations de se distinguer les unes des autres. A partir des années 80 notamment, le « tourisme culturel » a été considéré comme une source importante de développement économique pour de nombreuses destinations. » OCDE
GenèveActive. Voir également :
– Sami Kanaan peut-il faire de Genève une destination culturelle ? 19 septembre 2012.
– Genève. Le Quartier des bains : miroir à « City Breakers » novembre 2010.
Et:
– Le Voyage à Nantes.
– Site World Cities Culture Forum. Site réunissant les villes qui misent sur la culture pour doper leur attractivité.
– OCDE. Tendances et politiques sur le tourisme.