Reto Pulfer. Die Treffen des Platzes, 2013-2014. Centre d’art contemporain. Genève.
Les vernissages communs et expositions collectives se multiplient en Suisse romande, le 28 mai, les galeries du secteur rue des Bains – Plainpalais montreront des oeuvres allant de la facture la plus classique au conceptuel le plus radical qui a aussi ses adeptes.
Pendant ce temps, les drapeaux et bannières conçus par 60 artistes genevois flottent autour de la rade, et la saison se terminera avec la BIG – Biennale des espaces d’art indépendants de Genève organisée à l’initiative de la scène indépendante sur la Plaine de Plainpalais, du 26 au 28 juin. A Neuchâtel, les artistes ouvriront leurs ateliers conjointement à une grande exposition collective qui se tiendra à la fin du mois de mai, les artistes à Lausanne les ont précédé en mars dernier. Pour parfaire le tableau de cette hyper-activité, il faut citer les galeries de la Vieille-Ville de Genève, regroupées sous le titre Art en Vieille-Ville, qui ont verni le 7 mai et se flattent de constituer un “pôle d’excellence” en insistant sur leur caractère « de référence » et de prestige.
Les drapeaux et bannières de 60 artistes flottent autour de la rade de Genève.
Tous les aspects et domaines de la création contemporaine bénéficient donc d’une extrême visibilité. La situation est-elle idyllique pour autant ? Plusieurs galeries autour de la rue des Bains ont fermé, ainsi Moser, Saks, Blancpain, Viktor, de même plusieurs arcades cherchent repreneur depuis quelques mois ce qui était inconcevable il y a simplement cinq ans. Selon les plus anciens galeristes, comme Anton Meier ou Pierre Huber, le métier n’aurait jamais été facile, les mutations auxquelles il est soumis le rendent aujourd’hui plus incertain. Les foires que les collectionneurs fréquentent de plus en plus fréquemment obligent les galeristes à engager des frais très importants sans espoir de retour pour les poids-coq du secteur, la concurrence des sociétés de ventes aux enchères grandit et les motivations d’achat des collectionneurs sont le plus souvent à but spéculatif.
Sur le plan local, une majorité de galeristes regrette la faible proportion de collectionneurs que compterait Genève en comparaison avec des villes comme Bâle, Berne ou Zurich. Considérons cette remarque avec l’optimisme qui convient pour en conclure que le potentiel de développement du marché genevois de l’art contemporain est immense.
Parmi les expositions à voir à l’occasion du vernissage commun le 28 mai :
Andy Warhol, Buttocks in Jeans, c. 1953-54, Galerie Marc Jancou.
L’exposition d’une série de douze dessins d’Andy Warhol chez Marc Jancou est l’occasion d’apprécier un Warhol où technique et thèmes iconographiques révèlent un talent et un savoir-faire non sans lien avec une certaine tradition artistique. A l’encre de chine ou stylo, ces œuvres sur papier accompagnent toute la carrière de Warhol. D’abord à vocation commerciale, ces dessins qui lui servaient d’esquisse ou de brouillon deviennent peu à peu une habitude. Ces dessins fonctionnent également comme un témoignage de l’expérience à l’intérieur de la vie contemporaine telle que l’artiste l’a vécue.
Dans ses travaux ultérieurs Andy Warhol ne considérera plus la représentation classique comme seule fonction de l’art. Warhol, symbole du Pop Art, reste l’un des très rares artistes à être devenu populaire dans la culture de masse, il fascine le grand public à un niveau jamais atteint par un artiste et on lui doit d’avoir créé un mouvement de panique culturelle dans le régime de beaux-arts en interrogeant les fondements de l’art et de sa valeur.
Andy Warhol : 1950s Drawings. Marc Jancou Contemporary. 28 mai – 31 juillet 2015.
Reto Pulfer. Centre d’art contemporain.
Un court moment de la performance de Reto Pulfer au Centre durant la nuit des Bains.
Reto Pulfer a planté ses tentes au 2e étage du Centre d’art contemporain. Artiste autodidacte, il construit des univers singuliers entre l’installation, la sculpture, la peinture et autres pour créer des environnements. Chaque tente est l’occasion d’un voyage intérieur activé par les objets accumulés liés à l’histoire personnelle de l’artiste, une démarche qui s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle de l’expérience partagée.
Reto Pulfer. Dehydrierte Landschaft. 28 mai au 23 août. Centre d’art contemporain. Genève.
Giorgio Griffa, Linee policrome, 1973. Courtesy de l’artiste. Centre d’art contemporain.
Le Centre d’art contemporain présente “Une Rétrospective 1968 – 2014” de Giorgio Griffa (1936, Turin), un artiste parmi les plus radicaux et éloquents de la néo-avant-garde italienne. Oublié durant les années 1980-1990, Giorgio Griffa qui avait à ses débuts bénéficié de sa collaboration avec la galerie Sonnabend, a été “redécouvert” après une exposition aux Etas-Unis. Avec cette exposition, Andrea Bellini, directeur du Centre et curateur de l’exposition, tient aussi à montrer que la peinture n’a jamais disparu, qualifiant celle de Griffa de lyrique, il apprécie la volonté de l’artiste turinois de laisser chaque oeuvre “ouverte” – par exemple en ne terminant pas ses lignes – pour permettre de faire un voyage dans l’inconnu.
Vue d’une page d’un catalogue de stanley brouwn. Galerie Art & Public.
Difficile de trouver plus radical que l’ensemble d’œuvres de stanley brouwn (l’artiste refuse que ses oeuvres soient reproduites, son nom doit être écrit en minuscules, ce que le catalogue mentionné ci-dessus n’a pas respecté, et comme Tino Sehgal ou Ryoji Ikeda, il ne se laisse pas photographier.)
Artiste hollandais né au Surinam, stanley brouwn (n. 1935) réalise depuis cinq décennies des œuvres qui interrogent la relation du sujet à l’espace. “Par une réflexion sur la relativité du système métrique, il construit une méthode où son propre corps devient unité de mesure. Les travaux de stanley brouwn échappent à toute catégorisation stylistique. Résultats immédiats d’expériences du quotidien, ils visent à faire prendre conscience du mouvement dans le monde, mouvement compris dans son sens propre comme au sens figuré.” Il s’agirait d’une des recherches les plus significatives de l’Art Conceptuel.
Une oeuvre qui créera autant le trouble que celle de Jason Dodge au Centre d’édition contemporaine.
stanley brouwn. Art & Public.
Jason Dodge, des chaussures conçues pour une personne à trois jambes, au Centre d’édition contemporaine.
Le Centre d’édition contemporaine bénéficie d’une plus grande visibilité depuis qu’il est sorti l’an passé du trou noir de la rue St-Léger pour emménager à la rue des Rois, c’est un retour dans le quartier des Bains après un bref passage dans le Bâtiment d’art contemporain durant les années mi-1990 – début 2000.
L’exposition de la pièce de Jason Dodge, des chaussures conçues pour une personne à trois jambes, en surprendra plus d’un, l’artiste qui puise son inspiration dans l’écriture et plus particulièrement dans la poésie est connu pour le coté énigmatique de ses oeuvres conçues avec la rigueur conceptuelle de mise, certains en apprécient le coté romantique.
Installation de Yuki Shiraishi à andata ritorno.
Une pièce que l’on risque de manquer tant sa situation dans l’entrée d’andata ritorno est discrète.
Yuki Shiraishi. Espace Etant Donné. andata ritorno. 28 mai au 21 août.
Nuit du quartier des Bains : plus une aubaine pour les cafés que pour les galeries ?
Quartier des Bains, 0 + 15 = 10
Si la recherche de légitimité conduit le plus souvent les entreprises à revendiquer une longue et ancienne pratique, les galeries qui ont détourné l’initiative lancée par le Mamco en 2000 (et appuyée par le Centre d’art contemporain, avec la participation du galeriste Pierre Huber pour le financement du volet numérique de l’opération, voir l’historique) détournent le travail des institutions en prétendant avoir lancé le mouvement en 2005. L’art contemporain est entré dans l’ère du storytelling, l’histoire n’a nul besoin d’entretenir un quelconque rapport avec la réalité.
La cour du Bâtiment d’art contemporain le 28 mai.
Depuis, l’événement s’est libéré de toute tutelle, nul besoin d’appartenir à un quelconque groupement, l’ensemble des arcades du quartier se l’approprie tout autant quand bars et coiffeurs font appel à des DJs. La vocation artistique passe progressivement au second plan pour faire place à une fête qui mêle toutes les strates de la société locale et internationale, l’art est partout, à l’état gazeux comme Arthur Danto puis Yves Michaud l’ont annoncé.
Fin juin, à ne pas manquer : BIG – Biennale des espaces d’art indépendants de Genève sur la Plaine de Plainpalais, du 26 au 28 juin.
BIG – Biennale des espaces d’art indépendants. Projet de disposition des conteneurs sur la Plaine de Plainpalais.