Installation de captures d’écrans au Cabinet d’arts graphiques. Genève. Photo GenèveActive.
A l’âge de 87 ans, Picasso réussit l’exploit de produire 347 gravures en 7 mois, un travail largement autobiographique dont Le Cabinet des arts graphiques présente les aspects liés aux émissions de télévision préférées de l’artiste.
Dans les années 60, la télévision tient une place primordiale dans les sociétés occidentales, bien avant l’individualisation actuelle des usages. Dans les sixties, les émissions de divertissement donnent lieu à des moments conviviaux. L’image idyllique d’un petit écran réunissant autour de lui une famille unie était alors une réalité, on se rassemble pour regarder les exploits des acrobates et autres dompteurs de la « Piste aux étoiles », les animateurs des émissions d’éveil à la haute culture accèdent à la notoriété et les grand-messes du général De Gaulle sont imposées à tous. Picasso ne se contente pas de succomber à la fascination qu’exerce ce petit écran, il fait assister famille et amis aux programmes de cirque, de catch dont les vedettes adoptent des noms terribles tels l’Ange blanc, le Tigre de la lutte ou le Bourreau de Béthune.
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui l’attrait qu’exerçait la télévision dans les années 60, des chercheurs avaient observé que la télévision tendait à remplacer d’autres activités dans la vie des individus, comme la consommation d’autres médias (radio, cinéma et presse), les pratiques sociales à l’extérieur (rendre visite à des amis) ainsi que les activités domestiques (ménage, jardinage ou encore sommeil).
La contorsionniste de la Piste aux étoiles est imaginée différemment par Picasso, voir l’eau-forte 259 ci-dessous. (capture d’écran)
Pablo Picasso, « 347 gravures », n°259. Eau-forte 31.5 x 36. © 2013, ProLitteris, Zurich.
« Les feuilletons, historiques le plus souvent, forment la base des programmes TV. Parmi les figures marquantes : Zorro de Disney. Les costumes, les intrigues, les rebondissements alimentent la production de Picasso dans son postulat pour la narration, contre l’abstraction et le minimalisme.
Le cinéma : Picasso et Jacqueline regardaient ensemble de vieux films à la télévision. Péplums, westerns, drames, comédies : plus de 150 films ont été présentés sur les 3 chaines accessibles à Picasso (1ère et 2ème chaines françaises et Télé Monte-Carlo), entre mars et octobre 1968, période durant laquelle il réalise la Suite 347. Citation directe ou carambolages d’images, les compositions de Picasso traduisent ce brouhaha de personnages : Indiens, guerriers, odalisques…
L’actualité enfin, et quelle actualité ! Les évènements de Mai 1968, auxquels Picasso réagit de façon paradoxale et surprenante. Avec sa planche Caricature du Général de Gaulle avec deux femmes, réalisée en avril, on constate qu’il ressent l’anachronisme d’un homme et d’un gouvernement vieillis dans un monde nouveau et qu’il prévoit l’inévitable collision entre l’ancien libérateur de la France et les générations nouvelles. »
Puisque cette exposition se déroule à un bon jet de pierre de l’Eglise orthodoxe russe, on peut rappeler que la présentation de ces gravures de la Suite 347 en Russie, en 2012, avait soulevé l’opposition de l’Eglise Orthodoxe russe par la voix de l’évêque de Novossibirsk « C’est la vie culturelle de la ville et l’Eglise ne doit pas s’en mêler. Nous ne pouvons pas interdire aux habitants d’aller dans les boites de nuit. Visiter ou ne pas visiter des événements pareils est un choix personnel de chacun dicté par son niveau de moralité et de spiritualité ».
Cabinet d’arts graphiques. Promenade du Pin 5. 1204 Genève.
11 octobre au 15 décembre 2013. Ouvert de 11 à 18h Fermé le lundi.
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Suite 347 gravures
