Philippe Favier, entre éros et poésie

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Philippe Favier, Anatolothèque de Padoue (détail), 2016, encre de Chine sur carbone découpé, collages. 33 x 44 x 7 cm © Images : Art Bärtschi & Cie.

Philippe Favier entretient un rapport étroit avec les collectionneurs genevois au fil de ses expositions qui se succèdent depuis maintenant trente ans. Les nouveaux travaux présentés cet automne chez Art Bärtschi & Cie font appel à la peinture, au collage et à la gravure sur une variété de supports tels le verre et les planches d’ouvrages anciens dans un détournement continu des mots et des objets.

Les clins d’œil sont multiples au fil de ses compositions, à la littérature avec le titre « Lettre à Ezra », soit un jeu de mots sur l’appel grivois de James Joyce à Nora, la belle irlandaise, et une référence au poète et musicien Ezra Pound, à l’histoire de l’art avec, entre autres, Le fiancé d’un Picabia fasciné par les innovations techniques, ou par des évocations de la vie intime quotidienne et des rêves qu’elle inspire.

Au milieu des années 1980, Philippe Favier, alors jeune lauréat d’un prix de Rome, distinction accompagnée d’un séjour à la Villa Médicis, n’avait pas cédé à la tendance au gigantisme cher aux peintres états-uniens ou aux néo-expressionnistes allemands, il fixait déjà rêveries et réflexions sur de minuscules plaques de verre enchâssées dans des boîtes de sardines. La délicatesse de son dessin lui valut un succès immédiat. Par la suite, il a abordé des espaces plus larges tout en gardant ce goût pour les miniatures qui invitent au contact rapproché, au partage même des rêves quand l’amateur entre dans l’univers poétique et le plus souvent érotique de l’artiste.

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Philippe Favier, “Femme Fontaine n°7”, 2016, Planche de l’Encyclopédie de Diderot, peinture noire mate poudrée, encre de Chine blanche et or. 70 x 50 cm.

Les multiples supports chinés dans les brocantes et autres bouquinistes révèlent l’affection de Favier pour des matériaux chargés de vie et d’histoire. La série des Femmes Fontaines est peinte sur les planches recouvertes de noir d’une ancienne édition de l’Encyclopédie de Diderot, et les machines représentées dans ce Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers annoncent celles à travailler le bois de l’entreprise Guilliet & Fils, une maison fondée cent ans plus tard, ou le catalogue de la Manufacture d’armes de Saint-Etienne, véritable bible de la vente par correspondance dans les années 1900. Ces mécaniques qui émergent de la couche de noir font écho à d’autres humaines que symbolisent crânes et squelettes si fréquents dans ses compositions graphiques.

Il faut alors se pencher sur les indications inscrites en minuscules caractères qui dévoilent les secrets, sinon l’origine « scientifique » d’une série de travaux sur verre. Ainsi, Hardingia favieri Bolivia, cette note écrite en pattes de mouche sur le carton électrique, ne fait pas référence à un voyage mais représente un hommage au Docteur Thiaucourt qui a donné le nom de l’artiste au dernier papillon de nuit qu’il venait de découvrir en Bolivie. Et c’est derrière un rideau que la galerie présente un singulier bestiaire érotique peint délicatement sur d’anciens poignets de chemise.

« Les choses, me confiait-il il y a quelques années, viennent doucement en fonction de mes réactions par rapport à l’actualité, les personnes que je rencontre, les atmosphères, le contact avec la nature, la vie en général. Tout s’amalgame mais ne croyez pas que dans le figuratif l’anecdote soit à la base d’une forme de création: je pars ainsi souvent, au réveil, dans le vague le plus total avant que les idées prennent forme, puis le sujet se précise et l’écriture se fait d’elle-même. Le résultat est là, pourquoi rajouter des mots à la peinture ? Mes idées personnelles se retrouvent sur ces plaques de verre. »

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Philippe Favier, Hardingia Favieri n°333849, dessin sous verre gravé, peau de chamois et encre de chine blanche sur carton électrique à oeillets. 2015, 25 x 36 cm. (détail ci-dessous).

 

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Philippe Favier, Hardingia Favieri n°333849, détail.

 

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Philippe Favier. Le mariage de Francis “dessin”, 2016, Technique mixte, 27 x 12 x 6 cm.

Philippe Favier est né en 1957 à Saint-Étienne (France), il vit et travaille dans la Drôme et dans les Alpes-Maritimes.

Philippe Favier
« Lettre à Ezra »
15 septembre au 5 novembre 2016
Art Bärtschi & Cie
24, rue du Vieux-Billard. Genève.

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