Plus d’un tiers des galeries françaises pourrait disparaître dans les douze prochains mois

Une galerie dans la rue de Rivoli à Paris. Photo Jacques Magnol.

L’optimisme engendré par une augmentation de 7% des ventes globales en France en 2019 n’est plus de mise depuis que la crise sanitaire du Covid-19 a fragilisé les galeries d’art. Selon l’étude réalisée par le Comité professionnel des galeries d’art, 1/3 d’entre elles pourrait ne pas réussir à maintenir leur activité au deuxième semestre 2020.

L’économie de ces petites structures est liée à l’évolution générale du marché, leur chiffre d’affaires dépendant immédiatement du comportement des collectionneur·euse·s. De plus, par rapport à d’autres secteurs, les galeries ont besoin de s’internationaliser pour se développer et assurer la promotion de leurs artistes, ce qui les rend plus dépendantes de la conjoncture mondiale.

Un manque à gagner jusqu’à 40% du chiffre d’affaires annuel
Pour le monde de l’art, le printemps est une saison haute qui s’amorce en mars. 74% des galeries se sont engagées dans 2 ou 3 foires en moyenne sur le 1 er semestre 2020. Ainsi, à l’absence totale de ventes viennent s’ajouter des pertes pour l’organisation d’expositions dans les galeries et des pertes liées à l’annulation ou l’interruption de certaines foires.
La trésorerie immobilisée par ailleurs pour les foires reportées à des dates pour le moment incertaines, contribue à mettre les galeries dans une position financière extrêmement inquiétante.
En France, 85% des galeries d’art sont des TPE employant moins de 5 salarié·e·s et 52% des galeries déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 41 600 € mensuels (500K€ annuels). Le cumul du manque à gagner et des pertes représente jusqu’à plus de 184 millions d’euros pour l’ensemble des galeries sur le premier semestre.

Une reprise de l’activité ne compensera pas les pertes

A la différence d’autres secteurs, le marché de l’art souffre immanquablement d’un décalage conséquent entre la fin de la crise et le début de la relance. L’histoire récente l’a démontré, dans le secteur du marché de l’art, les pertes immédiates ne seront pas compensées par une reprise rapide de l’activité. Lors de la crise du marché de l’art de 1991,46% des galeries ont fermé entre 1990 et 1994 : la reprise ne fut amorcée qu’à partir de 1995 et ce n’est qu’en 1998 que les deux tiers des galeries redevinrent excédentaires. Un chiffre d’affaires médian de 1 M€ à 3M€ n’implique pas forcément de bénéfice ou de trésorerie disponible compte tenu du poids important des charges (loyers, salaires) et des frais de promotion (expositions, foires, production).
Le Comité professionnel des galeries d’art assure que sans plan de relance à moyen et à long terme, il est à prévoir la fermeture 1/3 des galeries françaises dans l’année à venir, conséquence directe de la crise sanitaire 2020.

Des artistes en danger

L’absence de ventes et le risque de fermeture des galeries ont un impact direct sur les artistes. Toujours selon l’étude de ce comité, une galerie représente en moyenne 23 artistes, ce qui équivaut, uniquement pour l’ensemble des 279 galeries du CPGA, à 6 515 artistes, dont 92 % d’artistes vivant-e-s qui dépendent donc directement des revenus des ventes en galeries.
Outre les artistes, de nombreux métiers sont étroitement liés au marché de l’art : encadreur·euse·s, restaurateur-trice-s, expert·e·s et historien·ne·s d’art, commissaires d’exposition, artisan-e-s d’art, organisateur·rice·s de foires et leurs prestataires, régisseur·euse·s, éditeur-rices, juristes spécialisé-e-s, etc.

Les marchands d’art invoquent leur valeur économique pour demander des mesures d’urgence

Valorisée par le tourisme et les foires internationales, la programmation des galeries d’art offre un pendant à celle des musées français et est le témoin incontestable de l’art de notre époque. La valeur économique des marchand·e·s d’art et des organisateur·rice·s de foires et expositions d’art a été estimée à 2,835 milliards d’euros (Etude EY en 2015). Selon la même étude, les retombées directes des Industries Créatives et Culturelles au sens large valent 2,327 milliards d’euros sous forme de billetterie (musées, spectacles … ) et les retombées indirectes des séjours culturels sont quant à elles estimées à 32,5 milliards d’euros; le secteur des arts visuels représentant à lui seul 86%, soit 2 milliards d’euros.

Et le Comité des galeries de souligner l’importance de l’attractivité culturelle pour le tourisme pour demander des mesures comprenant des budgets d’acquisitions renforcés au niveau de l’État et des collectivités territoriales, une application stricte de leviers déjà existants et pas toujours respectés comme:
– privilégier les galeries françaises quand un·e artiste est parallèlement représenté·e à l’étranger,
– application systématique du 1 % artistique dans les constructions publiques,
– associer la galerie « porteur de projet » lors d’une commande publique auprès d’artistes notoirement représenté·e·s par une galerie française.
Des déductions fiscales sont également préconisées en même temps que la définition par les foires de conditions plus favorables.

Et en Suisse ? à suivre

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