L’amour terroriste et romantique en cave

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« Conte d’amour », Markus Öhrn. © Robin Junicke.

Au fil de trois heures de performance scénique parfois éprouvante, Conte d’amour, découvert au Festival d’Avignon en 2012 et présenté à La Bâtie, narre la séquestration par un père dérangé, infantile et tortionnaire de deux fils et une fille qu’incarne un comédien transgenre. Assumant pleinement un héritage pop dans toute sa foultitude, il s’agit ici comme dans les franchises Spider-man et Kick-ass sur les troubles de l’âge adolescent, moins de tuer le père que d’apprendre à (sur)vivre avec son poids écrasant et débile, erratique et omniprésent.

Due au dramaturge Anders Carlsson (qui joue aussi l’une des figures filiales dans Conte d’amour) et servi dans une mise en scène largement vidéo signée Markus Öhrn, la pièce arpente, de manière souvent les ressorts pervers et non dénués d’humour malgré le tragique du rapt, à l’œuvre dans les relations humaines familiales et amoureuses : manipulation, prise de pouvoir, humiliation, infantilisation, désir pathologique terroriste en noyau familial.

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Anders Clarsson comédien performeur et dramaturge dans « Conte d’amour »,  un conte d’amour revu par Markus Ohrn, photo Markus Ohrn.

L’amour, notamment possessif et prédateur, se lie à la longue litanie des faits divers trahissant violence et catastrophes meurtrières, suicidaires qu’il engendre. Chez Sarah Kane déjà le nihilisme n’est-il pas la forme extrême du romantisme ? Ce théâtre d’installation vidéo live est notamment basé sur des considérations abordant l’ « amour romantique » dans l’expérience de Natascha Kampusch signées Rainer Just, qui touche les scénarios amoureux dans nos sociétés occidentales.

Le journaliste autrichien constate dans son article Contre l’amour : « Ce qui insuffla sa véritable dimension surnaturelle à l’enlèvement de Kampusch ne fut pas la réactivation des peurs enfantines – l’obscurité, le silence, la solitude -, mais la rencontre dénaturée avec un programme émotionnel qui tourne continument en chacun de nous et dans le monde. Il est responsable de l’intensité de l’impact qu’à cette histoire sur nous. Si le contenu de ce récit est immémorial, seule la forme, radicalement perfectionnée, apparaît nouvelle. Pendant des semaines, les gens, surtout les membres des « classes du babil », ont exprimé leur indignation, parlé d’un événement incroyable, un scandale. Mais en même temps ils étaient excités, presque euphoriques, parce qu’inconsciemment ils ont senti que quelque chose se passait ici qui a aussi affecté leurs vies, parce qu’ils avaient probablement en avait fait l’expérience eux-mêmes, quoique sous une autre forme.» Et l’essai journalistique de révéler son obscur objet d’étude pouvant favoriser des retours sur soi singulièrement douloureux : « le programme dont nous parlons, c’est l’amour romantique, l’histoire à laquelle nous avons à faire est une histoire d’amour. »

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Publié dans scènes, théâtre