La fréquentation des musées peut nuire à la santé

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Dennis Oppenheim, Launching Structure #3. An armature for projections (From the Fireworks Series). © Coll. Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (FMAC). Photo J. Magnol à Halle Nord.

L’actualité la plus stupide a tout au moins l’avantage de rappeler les recherches et l’engagement de l’artiste américain Dennis Oppenheim (1939-2011). Le sujet peut intriguer ou séduire, l’affaire tombe à pic pour élargir le public de l’art contemporain car Halle Nord expose la maquette (conservée par le FMAC) d’un projet de l’artiste qui aurait dû être installé à Genève si l’affaire n’avait pas capoté en 1982.

Dennis Oppenheim, classé parmi les artistes conceptuels et acteur majeur des mouvements du body art et du land art, s’est fait connaître dès 1968 par son travail dans l’environnement naturel, tels ces cercles concentriques gravés dans la neige, ou des motifs taillés dans des champs de blé et dont la mémoire perdure par des photographies. L’artiste poursuit dans les années 70 avec des interventions dans la nature et l’environnement urbain qui suscitent l’opposition des environnementalistes ou des citadins selon les lieux choisis.

La performance, cause potentielle de mélanome

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Image dennis-oppenheim.com

La nouvelle mode du SunBurn Art met aujourd’hui en émoi les dermatologues étatsuniens qui avertissent du danger de cancer de la peau. En s’exposant ainsi, les adeptes procèdent au reenactment des expérimentations de Dennis Oppenheim sur son propre corps, soit sa mise en danger par l’exposition au soleil jusqu’à la brûlure d’une partie du corps partiellement recouverte d’un objet. Il en résulte une marque similaire dépendante du chablon employé. Si l’idée du tatouage solaire est le résultat d’une fréquentation assidue des musées par certains, on peut douter que les pratiquants, bien que cultivés, se souviennent de l’intention de l’artiste de manifester son opposition à la guerre (à l’époque, contre le Viêt-Nam), le rappel ne peut que déranger les consciences blindées d’aujourd’hui. Yoko Ono le rappelle « Etre un artiste demande du courage ».

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Dennis Oppenheim, Launching Structure #3. An armature for projections (From the Fireworks Series). © Coll. Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (FMAC). Photo J. Magnol à Halle Nord.

En 1982, Genève refuse l’installation de Dennis Oppenheim

A Genève, invité en 1980 par l’AMAM, l’association œuvrant à l’époque pour la création du futur Mamco à Genève, Dennis Oppenheim vient créer in situ une première sculpture monumentale, que le Musée d’art et d’histoire acquiert. L’artiste propose alors de pousser plus loin l’aventure genevoise en concevant une œuvre pour l’espace public. Avec des étudiants de l’école d’art et des artisans locaux, il réalise la maquette du projet. Véritable machine, la construction prévoit trois états différents : elle peut être simple sculpture statique, peut devenir mobile parfois et peut très occasionnellement constituer une rampe de lancement pour feux d’artifices. Oppenheim, que Tinguely qualifie d’artiste le plus important de la prochaine génération, souhaite implanter Launching Structure #3. An Armature for Projection [From the Fireworks Series] dans le parc Bertrand.
En réalité, le projet restera utopique, car c’est le début d’une virulente polémique qui durera environ deux ans et dont la presse se fera largement l’écho. L’association des habitants du quartier s’insurge contre la pose de « cette fusée géante » d’une quarantaine de mètres de long dans leur parc. Le parti politique d’extrême droite Vigilance, qui avait déjà combattu les œuvres installées au quai du Seujet surnommées par eux « le tas de ferraille », organise pétitions et manifestations. La Ville renonce finalement au projet.

Launching Structure #3 est un e maquette de ce projet avorté. L’artiste explore avec ces constructions complexes les divers modes d’utilisation de l’art. Il assimile, selon ses propres explications, le processus de création artistique à celui d’une machine qui se développe au fil de poussées d’énergie, soit un procédé technique similaire à la production d’une idée par la pensée. L’usine mentale est aussi constituée de mécanismes et de connexions dont certaines ne mènent nulle part et d’autres produisent des résultats brillants. Empreints d’une certaine beauté, ces assemblages interrogent l’utilité, la fonction d’une usine qui tourne sans produire de résultat visible outre conduire l’esprit du spectateur à vivre l’expérience de l’art. Un coup de soleil peut avoir des effets bénéfiques insoupçonnés tout en élargissant l’audience de l’art contemporain grâce aux médias de masse.

Open Oppenheim
Launching Structure #3. An armature for projections (from the Fireworks Series)
Exposition du 5 juillet au 30 août 2015 à Halle Nord, Genève

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Publié dans art contemporain