La dure expérience de Gerhard Richter sous l’oeil de la caméra

Gerhard Richter a ouvert son atelier à la cinéaste Corinna Belz durant le printemps et l’été 2009 pour la réalisation du documentaire Gerhard Richter Painting alors qu’il travaillait à une série de peintures abstraites de grand format. Pour l’artiste il s’est agi d’une entreprise comparable au montage d’une exposition.

La peinture de Richter est spectaculaire, plaisante, pas dérangeante et est disponible dans tous les styles, si l’on ajoute que c’est un artiste prolifique, tous les atouts sont réunis pour en faire une valeur sûre du marché global et c’est pour cela que les riches moyens se l’arrachent à prix d’or pour sembler faire partie du club.  Seul le réseau social puritain facebook a censuré les images que s’envoyaient les affiliés, celles-ci restent toutefois visibles sur le propre site de Gehrard Richter, disponible en allemand, français, anglais et chinois.

Investir sur le marché de l’art n’est pas sans risque, voir l’analyse de F. Salmon.

La première grande rétrospective de l’artiste allemand eut lieu au MoMA en 2002, aux Etats-Unis où sa cote doit beaucoup au soutien de Benjamin Buchloh, professeur d’art moderne à l’université Columbia et à l’université Harvard. C’est au tour des grandes institutions européennes d’accueillir la leur avec l’exposition « Panorama » qui présente des œuvres des années 60 jusqu’à 2011. Après un passage à la Tate Modern et à la Nationalgalerie de Berlin, « Panorama » est au Centre Pompidou, jusqu’au 24 septembre 2012, ainsi qu’au musée du Louvre. Nombre de galeries sont également sur le coup, business as usual.

L’opération montre accessoirement l’intérêt que l’époque démontre pour la peinture au détriment des gourous du conceptuel, un signe à enregistrer. Le moment est venu de réviser ses tablettes pour briller dans les dîners en ville en opposant la peinture de Richter (qui ne veut rien savoir du conceptuel) et les amulettes du chaman Joseph Beuys.

A Genève, c’est le film Gehrard Richter Painting qui est présenté aux Scala. Le documentaire de Corinna Belz n’a rien de passionnant et le peintre ne semble guère apprécier d’être scruté pendant qu’il travaille. Filmé pendant six mois à l’atelier, l’artiste, âgé de 79 ans, a ainsi résumé l’expérience « Peindre en étant observé est une des pires choses au monde !».

Harald Szeeman considérait le processus créateur de l’artiste comme une œuvre d’art, au point d’occuper une place plus importante que l’œuvre elle-même.  Tenter de filmer les mystères d’une oeuvre en gestation est une prétention récurrente depuis le succès du film d’Henri-Georges Clouzot “Le mystère Picasso”. Si le film ne permet pas de percer le mystère de l’acte créateur, il réussit néanmoins à documenter la scène ostentatoire de l’art contemporain, c’est donc à destination des non familiers des vernissages du quartier des Bains.

Jacques Magnol

Gerhard Richter Painting, documentaire de Corinna Belz (Allemagne), 1 h 37
Cinéma Bio, jusqu’au 30 juillet 2012.

Voir également l’interview de l’artiste sur le site du Centre Georges Pompidou

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