Echos chorégraphiques et physicalité extrême. Le corps réinventé de « Dub Love »

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Refiguration du candomblé

Dans la tradition du candomblé, chaque être humain est choisi par un orixá, que seul un babalorixá (prêtre) saura identifier ; cet orixá le protège et peut le posséder lors des cérémonies ; l’orixá est en fait à la tête d’une lignée d'”entités”, des esprits d’humains morts, qui peuvent être incorporés par les initiés – la réalité est en fait plus complexe que cela, car une entité qui entrerait dans un corps humain représente trop d’énergie, et le ferait exploser ; l’entité se sert en fait du médium comme plan de projection, le chevauchant comme une monture dont elle tiendrait les rênes.

Cecilia Bengolea explique : « Si certaines danses du candomblé sont d’une grande légèreté d’autres sont attachées aux rituels du chasseur avec les dieux de la chasse, de l’eau comme Oxóssi, orixá de la chasse et des animaux, de l’abondance et de la nourriture. Les mouvements anguleux sont davantage rattachés é la chasse, au guerrier, au dessin du couteau alors que ceux qui se révèlent plus ronds évoquent les vagues sont destinés à accueillir les esprits de l’eau. Ce sont des mouvements magiques pour nous, qui sont de l’ordre curatif pour soigner notre rapport au monde ». Pour la danseuse-performeuse, le tournoiement sur soi rapporte à la précédente pièce réalisée  avec François Chaignaud, Altered Natives’ Say Yes to Another Excess – Twerk où lors de l’entrée public, les danseurs girent sur eux-mêmes. « C’est un mouvement d’une grande amplitude expressive. Nous avons l’air d’autistes, comme des danseurs renfermés sur eux. Mais, ensuite nous appréhendons les sens de l’espace qui viennent à nous projeter en plusieurs directions. C’est une sorte d’allégorie exprimant l’infinitude directionnelle polysémique que nous souhaitons prendre avec la danse et son histoire plurielle. »

Pour Dub Love, l’apparente nonchalance féline de Cecilia Bengolea ondule entre équilibres et inflexions sur pointes. Le corps de la jeune femme n’est à l’horizon que ligne ondoyante qui vibre, ploie et de déploie, se creuse et s’arque, engage une giration, décélère, s’enrichit de micromouvements. Des jeux et modulations expressives qui donnent un sens immédiat aux choses quand les mots ne suffisent plus. Du jardin de sa présence émane une monde-image de formes, élancement, courbure, rotondité, tournoiement, rebond et sensibilité à l’espace ouvert du ciel. Le temps du rassemblement aussi suivi de progression en sinuosités fuyant la frontalité pour forer la scène comme volume et superficie. Infinité mais concentrée dans l’eau brève d’un vocabulaire précis qui n’a jamais oublié le large éventail gestuel des danses de club (dubstep, bashment, grind…) comme dans deux pièces aux côtés de François Chaignaud, Altered Natives’ Say Yes to Another Excess – Twerk (2012) et (M)imosa (2011). Cette dernière refigurant des éléments du voguing et des danses communautaires afro-américaines ressortant notamment de la galaxie transgenre LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexualité, Transidentité).

Bertrand Tappolet

Dub Love. Scène ADC Fête de la Musique, Parc Beaulieu-Cèdre. Rive droite 21 juin à 23h15. Rens. : www. www.ville-ge.ch/culture/fm

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