Un bassin empli d’un liquide couleur chair et dont la surface est agitée de vaguelettes est au centre de l’exposition de Pamela Rosenkranz. S’y ajoutent une musique générée par ordinateur et un parfum, créé exprès pour l’occasion par un parfumeur parisien et vaporisé mécaniquement à travers le pavillon. Susanne Pfeffer, directrice du Fridericianum de Kassel, est la curatrice de l’œuvre, qui stimule ainsi plusieurs sens à la fois.
Pamela Rosenkranz invite les visiteurs de la plus importante plateforme d’art contemporain à méditer sur la perte d’autonomie croissante des humains sur leur corps: intitulée «Our Product», son exposition interroge la définition qu’il convient de donner à l’existence humaine face à notre consommation effrénée, au délire sportif, à la chirurgie plastique et à l’immortalité du numérique. Le corps se métamorphose toujours davantage en «matériau», façonnable au gré des normes sociales. A Venise, le Pavillon suisse a la peau rosâtre.
Alain Berset, chef du Département fédéral de l’intérieur, a officiellement inauguré dans les «Giardini» de la 56e biennale d’art de Venise, le Pavillon suisse, dont Pamela Rosenkranz, une artiste née en 1979 à Altdorf, s’approprie l’espace.
Le travail de Pamela Rosenkranz a été présenté au Centre d’art contemporain de Genève (27 mars au 16 mai 2010) par Katya García-Antón alors directrice du Centre et actuellement membre du jury de Pro Helvetia pour la Biennale de Venise.
Le Parfum et la cuisine procurent agrément et plaisir mais ne sont pas encore de l’art
Le parfum est ici un élément de l’installation, mais sa conception n’est pas retenue en tant qu’oeuvre intellectuelle, et c’est ce qui dérange les auteurs de créations perceptibles par l’odorat. Il ne fait pas encore partie des œuvres de l’esprit listées par le Code de la propriété intellectuelle et c’est un problème sérieux tant pour les arts que pour l’industrie du parfum. Dès 2006, en France, la Cour de cassation a considéré que la fragrance d’un parfum procédait de la seule mise en œuvre d’un savoir-faire et ne constituait pas une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Les créateurs ne lâchent cependant pas et, en France, La cour d’appel d’Aix en Provence, par exemple, a rendu en décembre 2010 un arrêt estimant que« les œuvres perceptibles par l’odorat » relevaient a priori au champ de la protection du droit d’auteur.
La Cour de cassation a en effet statué dans un arrêté de juin 2006 que « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire », ne peut en aucun cas bénéficier d’une protection au titre d’œuvres de l’esprit. Il en va de même des recettes de cuisine.
Statu quo identique pour l’art culinaire depuis Platon :
Socrate : Demande-moi quelle sorte d’art est à mes yeux la cuisine.
Polos : Je te le demande donc : quel art est la cuisine?
Socrate : Ce n’est pas du tout un art, Polos.
Polos : Qu’est-ce donc alors ? Dis-le.
Socrate : Je dis que c’est une espèce de routine.
Polos : Appliquée à quoi ? Dis-le.
Socrate : Je dis : à procurer de l’agrément et du plaisir, Polos.
Polos : Alors cuisine et rhétorique, c’est tout un ?
Gorgias, Platon (428 – 348 av.)