A un moment Josef Szeiler dit “STOP” et l’illusion disparaît

Présentation HM. Théâtre du Grütli. Photo Fabio Visone.

Heiner Müller constitue au Théâtre du Grütli une saison dans la saison, l’occasion d’approcher l’oeuvre de l’auteur qui a commencé là  où Brecht s’était arrêté. Josef Szeiler ouvre avec une mise en scène radicale et conceptuelle qui considère une double question : Comment traiter Heiner Müller ? Comment traiter le spectateur ?

La radicalité de Josef Szeiler fait ainsi écho à  l’oeuvre d’Heiner Müller vue par Hans-Thies Lehmann: “Ce qui est sûr, c’est que son écriture et ses exigences du théâtre sont intimement liées à  la nécessité de dépasser les cadres et les canons conventionnels d’une façon concrète.”

Cinq compagnies vont se succéder dans un espace évolutif créé par le scénographe Mark Lammert et qui s’élargira progressivement après chaque création. Après Josef Szeiler /Configuration HM viendront Noémi Lapzeson/Vertical Danse ; Fabrice Huggler/Cie Fabrice Huggler ; Marc Liebens/Cie BCGE, et Gabriel Alvarez/Studio d’Action Théâtrale. CONFIGURATION HM1. De Heiner Müller. Mise en scène Josef Szeiler . Théâtre du Grütli. 16.nov – 13.déc ’08 > black box >

Commentaire de Yi-hua Wu :

Les spectateurs étaient là .
Il y eut un moment où le metteur en scène dit “STOP”
c’était un ordre :
un “STOP” pour les comédiens,
un “STOP” pour les spectateurs,
un “STOP” pour une pièce de théâtre,
et aussi le début de l’altérité.

Avant que le metteur en scène dise “STOP”, une porte était ouverte.
Les spectateurs étaient là.
Le metteur en scène leur a parlé et leur a demandé de faire quelque chose ensemble.
Les spectateurs étaient dans un état de work-in-progress comme lors de la répétition d’une pièce de théâtre.
Les spectateurs ont travaillé comme des comédiens avec des comédiens.
Comédiens et spectateurs ont profité de se trouver dans une perspective multiple et multi directionnelle parce qu’ils étaient physiquement libres et mentalement actifs.
Alors …
Les spectateurs aimeraient travailler avec le groupe,
s’y insérer et même plus, y conspirer!
partager leurs hallucinations et partir sur d’autres pistes.
se joindre au jeu..

J’aimerais être une spectatrice attentive, au milieu des autres, comme dans un film de Jean-Luc Godard. Godard, en tant que réalisateur, dit au spectateur  “c’est le moment de décrire le sentiment du personnage”. Godard a toujours recherché une action ontologique pour détruire l’illusion : la réalité de feindre grâce au cinéma lui même qui nous permet d’interagir dans le réel que dans la fausse réalité de ses films. Avec Godard nous participons et sommes impliqués dans la construction de la réalité du film.

Dans la black box du Grütli, les spectateurs sont touchés par ces secousses que provoque le moment où le metteur en scène dit “STOP”. Chacun peut alors prendre une pause dans cette illusion de théâtre.
Pourquoi ne pas jouer sur ces arrêts pour créer le rythme d’une réalité?

Tropisme de l’inconnu, le rien est quelque chose.

Les textes prononcés, d’une bouche à  l’autre, sont en devenir.

Yi-hua Wu

Note : Plusieurs plateformes de discussions sur Heiner Müller avec les créateurs de la saison, des spécialistes du domaine Müller, des artistes, des architectes, des scénographes, des universitaires, des spectateurs seront également proposés au cours de la saison.  Premier rendez-vous : les 12 et 13 décembre avec notamment Hans-Thies Lehmann, Jean Jourdheuil, Mark Lammert. (Programme détaillé sur www.grutli.ch)

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