Culture durable: Payer les artistes, un sujet qui dérange beaucoup

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GenèveActive.com propose un logo d’identification qui indiquera au visiteur qu’il fréquente un établissement culturel conscient de sa fonction sociale. © creative commons.

Nombre d’institutions remercient seulement par des mots, ou des conditions misérables, les artistes qu’elles emploient. Les restrictions budgétaires dont pâtit la culture d’une manière générale sont l’occasion de demander l’adoption d’un modèle économique plus équitable, solidaire même !

La dimension éthique de l’économie culturelle

L’idée sera combattue par les institutions, musées, centres et autres lieux subventionnés dédiés aux arts plastiques, mais aussi ceux des arts vivants, de la musique, etc., pour lesquels nombre d’artistes, commissaires, historiens de l’art, auteurs, comédiens, danseurs, musiciens et autres, oeuvrent ou se produisent. A Genève, l’écart est immense entre les personnes à  statut protégé et les personnes à  statut précaire, elles font parfois le même travail, ensemble, les unes exposées à  l’insécurité et les autres vivant en sécurité. La situation s’est aggravée en 2010, notamment dans les arts vivants, par la grâce de structures qui invoquent la crise pour réduire considérablement les cachets des artistes. Améliorer les conditions de travail sans demander des subventions supplémentaires, c’est d’abord une question d’éthique, de mentalité, puis de saine gestion.

Une économie florissante du secteur culturel est autant dans l’intérêt des travailleurs créatifs (l’artiste est un travailleur comme les autres) que des producteurs et managers qui exploitent le produit du travail créatif. Un accord équitable sur le partage des revenus générés par l’activité créatrice doit faire partie de la dimension éthique d’une politique culturelle. Assurer une rétribution équitable ne peut être mieux adapté à  la situation actuelle.
Rien n’est trop beau par exemple pour l’enveloppe d’un musée, les honoraires de son architecte, l’entretien du haut de la pyramide des fonctionnaires de l’art qui le gèrent, mais c’est toujours trop de rémunérer les artistes qui produisent la véritable valeur. L’or pour le haut, l’aura pour l’artiste, c’était hier, aujourd’hui institutions et commissaires revendiquent l’appropriation totale de ces deux valeurs.

affiche

Toutes les institutions d’Europe vous diront que c’est impossible
Impossible de prétendre remettre en cause un modèle économique inéquitable? C’est moins sûr.
C’est déjà  une réalité en Suède où les artistes invités doivent être rémunérés, et c’est une politique que soutient le parfait connaisseur de l’économie de l’art qu’est Daniel Birnbaum. Si ce directeur de musée, et fameux commissaire, fait une différence entre les grandes manifestations de promotion commerciale type Biennale de Venise et les expositions d’artistes moins connus dans les musées, il remarque que tout le monde est rémunéré dans un musée : le directeur, le commissaire, les gardiens, les techniciens et tous les autres employés, pourquoi alors les artistes ne le seraient-ils pas? Cette dimension éthique de la politique culturelle, et de l’économie culturelle, est considérée en Suède depuis 1974.

Daniel Birnbaum, maintenant directeur du Moderna Museet à  Stockholm, fut auparavant le directeur artistique de la Biennale de Venise en 2009, co-curateur de la Triennale 2008 de Yokohama et directeur de l’influente Stà¤delschule de Francfort. Il figurait au 4e rang du classement des 100 personnes les plus importantes du marché de l’art en 2009 par le magazine ArtReview. C’est donc bien un acteur des plus reconnus du monde académique et du marché de l’art qui défend cette éthique.
La remise en cause de ce modèle économique inéquitable, tant dans les institutions publiques que privées, est, à  terme (long) promise au succès, le délai d’application dépendra de la volonté politique d’introduire dans une politique culturelle les notions d’équité, de solidarité, d’éthique qui fleurissent si allègrement dans les seuls discours.
En période de crise économique il est question de reposer la question de la source de la valeur culturelle. L’exemple suédois d’une économie culturelle équitable n’est ni de droite ni de gauche tout en représentant une remise en cause de la hiérarchie, ce n’est pas non plus une alternative à  l’hypocrisie actuelle du bling-bling qui a par exemple amené l’art contemporain à  perdre son vrai spectateur, c’est simplement la voie la plus juste pour le développement d’une économie culturelle solidaire, équitable et durable. Avec l'”Association pour une culture durable et solidaire”, proposons donc un logo d’identification qui indiquera au visiteur qu’il fréquente un lieu culturel conscient de sa fonction sociale.

Jacques Magnol

Voir également sur GenèveActive.ch :
Augmenter l’offre culturelle au coût le plus bas a un coût social élevé. Octobre 2008.
L’essentiel de la croissance culturelle récente a été opéré sur l’emploi instable. décembre 2009.

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Publié dans économie, société
2 commentaires pour “Culture durable: Payer les artistes, un sujet qui dérange beaucoup
  1. Aude dit :

    Oui,
    on ne se lasse pas de s’étonner des barrières entre la Suisse et l’Europe. Donc pas vraiment le fait que l’on en sache plus sur Stockholm que sur Rhône-Alpes par ex. A quand l’idée de cluster englobant les régions comme l’arc lémanique, la région alpine par exemple, enfin je ne sais pas … C’est ça le durable aussi…
    http://reseauculture21.fr/a-propos…/

    • jacques magnol dit :

      Restons dans le sujet de cet article. Pour l’instant, c’est en Suède que la loi impose aux musées de rémunérer les artistes auxquels les institutions font appel. Enseignant en Allemagne et ancien directeur de la Biennale de Venise, Daniel Birnbaum la met en application et le fait savoir. En France, en Suisse ou ailleurs, dans les musées, les théâtres, les festivals, etc. il est souvent demandé aux artistes de travailler au rabais, sinon gratuitement, en invoquant les temps difficiles, les diminutions de subventions; mais voit-on les salaires des dirigeants baisser pour les mêmes raisons, même en cas d’échec public de leur politique de programmation?

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