Urbanisme Do-It-Yourself
La considération perspicace que de simples règles mathématiques peuvent conduire à un comportement imprévisible est appliquée de nos jours à l’exploration des villes. Des algorithmes simples (comme 2e à gauche, 1ère à droite, 2ème à droite, et recommencer) génèrent des chemins sujets à des bifurcations étranges et conduisant à une circumnavigation erratique. Par Wilfried Hou Je bek
« Examinez une fois de plus ces affreux goblins, ces monstres sans forme et ces statues rigides et dépourvues d’anatomie ; mais ne vous en moquez pas, car elles sont les signes de la vie et de la liberté de chaque travailleur qui a taillé la pierre » John Ruskin (1853).
Les formes suivent le vol de la fantaisie.
Horace Walpole (1717-1797) était un psycho-géographe bien avant que le mot fut inventé au début du XXe siècle. Ses contributions à la culture sont nombreuses : il écrivit un roman gothique[1] appelé « Le château d’Otrante » ainsi qu’un texte important sur le design du jardin, il inséra le terme de heureux hasard (serenpidity)[2] – soit trouver quelque chose d’inattendu et d’utile pendant que le l’on recherche autre chose, et il devint un symbole de la touréphilie (le désir maniaque de construire des tours).
Walpole, comme son contemporain et aussi touriphiliaque écrivain gothique William Beckford, est souvent perçu comme le représentant d’un genre prévisible de romantisme excentrique.
Cependant, les psychogéographes admirent Walpole pour sa rare capacité à créer, apparemment par accident, de nouvelles sensibilités qui seraient un sous-produit de sa générosité. L’architecture était un des nombreux moyens d’expression que Walpole expérimenta. Dans une période de vingt ans, il transforma un manoir Tudor en un fameux château gothique à Strawberry Hill, près de Windsor, Londres. L’intérieur comme l’extérieur du château-jouet de Walpole étaient conçus pour provoquer une vaste gamme de sensations chez les visiteurs. Cette atmosphère psychogéographique soigneusement travaillée créa un écho chez son créateur quand elle inspira Walpole lors de l’écriture de son roman « Le Château d’Otrante », un livre qui a simultanément défini et remplacé un genre qui culmina dans Harry Potter.
D’un ton enjoué de la première à la dernière syllabe, Walpole divertit ses lecteurs en leur offrant à un rythme fou des clichés qui se révéleront prévisibles : interventions fantômes, trucs de sorcières, pièces hantées, portes secrètes et sombres donjons. Par une fine ironie, Walpole échappait à la dimension unique qui caractérise ses suivants : la générosité de Walpole fonctionne simultanément à différents niveaux et il donne tant qu’il est difficile d’en saisir la totalité.
Psycho-géographie
En psychanalyse le mot psycho-géographie est utilisé en relation avec le phénomène de l’hystérie liée à un lieu : vous êtes parfaitement sain, vous entrez dans une pièce particulière et en une fraction de seconde vous délirez comme un malade. C’est seulement quand cette réponse est universellement partagée et ne dépend pas d’une névrose individuelle aléatoire, que le pouvoir de cette pièce peut être appelé psycho-géographique.
Albert Camus suggéra une autre forme de comportement induit par un lieu en racontant l’histoire d’un homme qui, hypnotisé par l’action conjuguée du soleil, de la plage et de l’océan, commit un meurtre. Ce sont les récits de fiction d’esprits intuitifs essayant de réunir les conditions qui conduisent à des situations extrêmes.
Les deux sont des évidences circonstancielles de l’existence de quelque chose impossible à isoler : le pouvoir d’un paysage à nous induire dans un certain comportement, et même parfois contre notre volonté. Comme cela s’est révélé, l’interaction est beaucoup plus complexe que des générations de planificateurs urbains, des politiciens et des spécialistes des comportements l’avaient imaginé. La planification urbaine a eu sa part raisonnable de projets visant à encadrer les comportements humains dans la structure urbaine. Walpole exemplifie la suspicion que des effets psychogéographiques peuvent être créés artificiellement, non pas selon un processus linéaire, mais comme émergeant, ce qui est hasardeux, d’une succession d’événements.
L’importance de ces conséquences indirectes de la forme urbaine redevint un sujet d’intérêt à la fin des années 50 quand Kevin Lynch reformula modestement la nécessité d’objets architecturaux qui génèrent du sens, dans son concept de production d’images, « cette qualité d’un objet physique qui lui confère une haute probabilité d’évocation d’une image forte à n’importe quel spectateur donné ».
Superbe traduction! Merci Jacques. Wil a toujours des idées fascinantes