Territoires directs : vers de nouveaux modes de gouvernance pour des territoires en mutation ?

De part le monde, de nouvelles formes de territoires émergent. Grands ou petits, ces territoires se caractérisent par un dépassement de la gouvernance traditionnelle.
Lors du débat organisé par GenèveActive.ch à la Fondation Braillard entre le mathématicien Xavier Comtesse et le géographe Bernard Debarbieux, des divergences sont apparues. Bien sûr.

En particulier sur la place de l’Etat et sur son rôle pour répondre aux défis auxquels notre région “ comme d’autres- est confrontée (développement économique, logements, transports). Et un diagnostic divergent sur la manière d’interpréter les pratiques territoriales. Mais aussi des points de convergence. Et un constat commun : décalage entre espace fonctionnel (espace des problèmes) et espace institutionnel (espace de la prise de décision politique). Et un appel à  de nouvelles formes de gouvernance territoriale.

Que l’on parle de régions métropolitaines ou d’écoquartiers, ces entités échappent largement au contrôle politique classique. Parcouru par les pendulaires, défriché par les champs médiatique, économique et cultuel, inspiré par les pratiques participatives mais sans véritable gouvernance, démocratiquement élue, et sans frontières précises, ces territoires évoluent rapidement sous la pression de la globalisation, des nouvelles technologies de l’information et de l’ « empowerment » des gens ordinaires.

Tout se passe, désormais comme si ces territoires existaient hors de leurs propres limites (politiques ou territoriales) en abordant notamment des thématiques nécessitant une vision à  géométrie variable. Ainsi, que l’on parle d’environnement, de comportement responsable, d’Internet, de transports, de formations, de gestion des déchets, de commerce équitable, de système financier, pour ne citer que ces quelques thématiques, on perçoit l’impasse politique a gérer ces nouveaux espaces. Les entreprises, les ONGs, les instituts prévisionnels, les « Think Tank », les promotions économiques régionales, les offices de tourisme, ou les grands centres commerciaux régionaux, les aéroports ou les gares, les festivals culturels ou d’autres formes de communautés issues de la société civile, représentent tous ensemble l’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène de la gestion des territoires. Ces nombreux acteurs ont inventé, de ce fait, des nouveaux espaces plus vastes ou plus petits mais totalement découplé de l’héritage fragmenté du territoire politique.

Cependant, et sans doute parce qu’ils sont en processus de formation, ces territoires sont traversés par de nombreuses tensions. En essayant d’en analyser les mouvements et contradictions tout en cherchant à  accomplir un travail plus narratif que théorique, nous avons voulu mettre en évidence le caractère proprement nouveau de ces processus constituants, et qui restent souvent largement invisible au regard du grand public, du politique ou des médias, à  savoir les actions directement entreprises par les « parties prenantes » de la transformation territoriale en cours.

Nous qualifierons ces nouveaux territoires de « Territoires Directs » en référence justement à  ces nombreux acteurs agissant directement (souvent sans intermédiaire politique) sur leur constitution et sur leur devenir.

 

Xavier Comtesse


Bernard Debarbieux

 

* Xavier Comtesse est auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages sur les thèmes des nouvelles technologies, de la gouvernance et des régions métropolitaines : «Dartfish, Logitech, Swissquote et co…», Avenir Suisse, Orell Füssli, Zürich, 2005 ; « Le Feu au Lac », Avenir Suisse, NZZ Folio, Zürich, 2006 ; « Vers les Temps Réels », Tricorne, Genève, 2006 ; « Economie Directe », Rezonance, Genève, 2007 ; « Soft Gouvernance », Fondation pour Genève, 2007 ; « Multi-stakeholders », Fondation pour Genève, 2007.

Bernard Debarbieux est professeur de géographie culturelle et politique et d’aménagement du territoire à l’Université de Genève depuis 2001. Auparavant, il a travaillé dans les universités de Grenoble, de l’Etat de New York, de Montréal et de Paris VIII.

Publié dans politique, société
3 commentaires pour “Territoires directs : vers de nouveaux modes de gouvernance pour des territoires en mutation ?
  1. Quincerot dit :

    La focalisation sur les territoires est peut-être un vieux réflexe – un reste de conception féodale de la gouvernance. Voir le livre très stimulant qui vient de paraître de Martin Vanier, Le pouvoir des territoires. Essai sur l’interterritorialité, Paris, Economica-Anthropos, 2008. Dans cette perspective, nous souffrons d’un monumental déficit de gouvernance, non des territoires (qes relations entre les territoires, dans l’entre-deux : c’est cela qu’il faut politiser. Bien cordialement r.quincerot

  2. Quincerot dit :

    Message inachevé parti trop vite. Je voulais dire : La focalisation sur les territoires est peut-être un vieux réflexe – un reste de conception féodale de la gouvernance. Voir le livre très stimulant qui vient de paraître de Martin Vanier, Le pouvoir des territoires. Essai sur l’interterritorialité, Paris, Economica-Anthropos, 2008. Dans cette perspective, nous souffrons d’un monumental déficit de gouvernance, non des territoires (qui bougent tout le temps et continueront de bouger), mais des relations entre les territoires, de l’entre-deux : c’est là  qu’il faut introduire du politique. Bien cordialement r.quincerot

  3. x.comtesse dit :

    Le commentaire de R. Quincerot va en principe dans le même sens que mes propos…les inter-territoires sont ceux que je nomme les territoires directs car réappropriés …sans intermédiaires…au mains des gens eux-mêmes…en quelque sorte…