Christoph Draeger (Suisse, 1965) Shipwreck (Naufrage/Schiffbruch) (2007). Photo : JM.
Vendredi, au Bâtiment d’art contemporain de Genève, lors du vernissage de la 12ème Biennale de l’Image en Mouvement, nombreux étaient ceux venus pour écouter une probable déclaration de Patrice Mugny, Maire de Genève et Responsable du Département de la culture, sur l’avenir du collectif de structures dédiées à l’art contemporain prévu dans le bâtiment de la rue des Vieux-Grenadiers. Dans l’entrée, vestige d’un (autre) naufrage, l’oeuvre de Christoph Draeger (photo) accueillait le spectateur, ambiance.
Voir les interventions d’André Iten, directeur artistique du Centre pour l’image contemporaine, et de Patrice Mugny. (vidéo: geneveactive.ch)
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Le mot fusion est tabou, dans d’autres milieux on dirait OPA, bien que réel dans les faits puisque André Iten a annoncé qu’il serait conservateur ou un titre du genre au Mamco; les psychologues nous expliqueront le sens de cette appréhension vis à vis d’un terme pourtant utilisé par les « victimes ». Lors de cette soirée le personnel des structures concernées se demandait, anxieux, quel sort l’attendait. GenèveActive avait été le premier média à diffuser l’information concernant le changement de cap dans le projet du Bâtiment d’art contemporain, pourtant la décision était connue depuis longtemps, une quinzaine de jours officiellement, près de six mois selon d’autres sources, et nombre d’observateurs se demandaient pourquoi la décision hautement politique ne sortait pas.
Plus tard, lors d’une conférence, Raymond Bellour, l’écrivain, critique et théoricien internationalement reconnu a exprimé à quel point il était « touché d’assister peut-être à la dernière édition de la Biennale de l’image en mouvement après vingt-quatre ans de travail avec André Iten, et heureux de saluer ce travail effectué depuis des années, travail qui n’a peut-être pas été assez publiquement reconnu ». Vous chercherez effectivement en vain un quelconque hommage dans le message du magistrat.
Ce genre de projet de fédération n’est jamais vu d’un bon oeil par la plupart des directeurs et commissaires en poste qui ont évidemment peur de perdre leur autonomie, et on les comprend. En Allemagne par exemple, le gouvernement vient de décider de réunir trois musées dans trois villes différentes sous la même direction sous prétexte d’épargner des salaires de plusieurs directeurs. En fait le système aboutit à remplacer les salaires des directeurs par ceux des commissaires, l’épargne est donc mince si elle existe, la concentration des pouvoirs est réelle. De plus le risque est grand de retrouver à la tête de ces empires des experts en marketing habiles à s’attirer les faveurs des politiques mais moins visionnaires sur le plan artistique. Récemment, à Vienne, en Autriche, un projet similaire d’unification de certaines collections fut tenté et n’a pas abouti bien qu’il ait été bien pensé. Comment gérer des maisons qui ont des aspirations et des personnalités différentes sous une telle tutelle?
On ne peut s’empêcher de penser que le naufrage évoqué par le Shipwreck (Naufrage/Schiffbruch) de Christoph Draeger du BAC fait écho à la pièce qui se joue à la Comédie, haut-lieu de contestation de la politique culturelle, L’art de la comédie d’Eduardo De Filippo. Nombre de questions sont posées, ainsi de la place donnée à la culture et à l’art en particulier, le théâtre est-il d’utilité pubique, l’acteur est-il un privilégié, est-il fait bon usage des subventions ? Sous la pression conjuguée de tous ces acteurs culturels un débat verra-t-il le jour? Par exemple sur le modèle du milieu des architectes et des urbanistes où les communications sont constantes et publiques, les débats enfiévrés et qui voit les propositions se bousculer.
A propos de Shipwreck de Christoph Draeger
Rien qu’en 2006, trente mille personnes venant d’Afrique à bord de simples embarcations ont débarqué sur les plages des îles Canaries, souvent après des semaines d’épreuves et de tribulations. L’on ignore combien d’autres se noient en mer sans jamais arriver à destination. Les bateaux de pêche africains utilisés lors de ces tentatives de fuite sont éliminés à Tenerife. Certains sont des copies en polyester bon marché de bateaux plus grands construits en bois. Christoph Draeger tente une reconstruction artistique à partir de pièces d’origine récupérées sur un de ces bateaux ayant servi à la fuite d’une centaine de personnes peut-être. Un peu à la manière d’archéologues ou de détectives menant l’enquête après un accident d’avion, il dispose les morceaux de façon à créer l’image d’une catastrophe humanitaire qui continue. L’épave du bateau rappelle la réalité de la situation aux frontières de la forteresse Europe ainsi que ceux qui y ont perdu la vie.
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