A travers les couleurs on voit la ville qui vit

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Les bâtiments doivent correspondre à la vision que l’on se fait du monde.

Une balade proposée par la Maison de l’architecture vise à expliquer la façon dont la couleur donne à lire la ville de Genève et comprendre l’évolution, le changement dans le temps.

« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas » dit-on, cependant les couleurs éclatantes ont parfois provoqué des réactions vives de la part des Genevois, au point qu’au début des années 80 la nomination d’un « Monsieur Couleurs » fut envisagée par le conseiller d’Etat d’alors.

Richard Quincerot, l’urbaniste auteur du premier ouvrage consacré au sujet, remarque que « si les réactions du public sont aussi vigoureuses c’est que ça les concerne. C’est très récemment que les façades de Genève ont commencé à prendre des couleurs – bien après les écrans de télévision. Encouragé par les pouvoirs publics, le mouvement a débuté timidement par quelques expériences isolées et s’est très vite développé. Cette innovation a rencontré une large approbation, mais aussi des protestations d’habitants, en désaccord avec l’évolution en cours, ou tout au moins avec certaines réalisations. Du coup, les couleurs de façades sont devenues un problème d’urbanisme ».

Richard Quincerot et Christian von Düring, le 16 mai 2013 :

 

 

« Traditionnellement, la couleur est chargée d’allusions psychologiques et morales. On aime telle couleur, on a sa couleur. Ou bien elle est imposée : par l’événement, la cérémonie, le rôle social. Ou bien elle est l’apanage d’une matière, bois, cuir, toile, papier. Surtout, elle reste circonscrite par la forme, elle ne cherche pas les autres couleurs, elle n’est pas une valeur libre. La tradition soumet la couleur à la signification intérieure et à la clôture des lignes. Même dans le cérémonial plus libre de la mode, la couleur prend largement son sens hors d’elle-même : elle est métaphore de significations culturelles indexées. Au niveau le plus pauvre, la symbolique des couleurs se perd dans le psychologique : le rouge passionnel, agressif, le bleu signe de calme, le jaune optimiste, etc. ; le langage des couleurs rejoint alors celui des fleurs, des rêves, des signes du Zodiaque.
Ce stade traditionnel est celui de la couleur niée comme telle, refusée comme valeur pleine. L’intérieur bourgeois la réduit le plus souvent d’ailleurs à la discrétion des « teintes » et des « nuances ». Gris, mauve, grenat, beige, toutes ces teintes dévolues aux velours, draps, satins, à la profusion des étoffes, rideaux, tapis, tentures ainsi qu’aux substances lourdes et aux formes « de style »  : il y a là un refus moral de la couleur comme de l’espace. De la couleur surtout : trop spectaculaire, elle est une menace pour l’intériorité. Le monde des couleurs s’oppose à celui des valeurs, et le « chic  » est toujours bien l’effacement des apparences au profit de l’être (1) : noir, blanc, gris, degré zéro de la couleur – c’est aussi le paradigme de la dignité, du refoulement et du standing moral.

Fortement culpabilisée, la couleur ne fêtera sa libération que très tard : les automobiles et les machines à écrire mettront des générations à cesser d’être noires, les réfrigérateurs et les lavabos plus longtemps encore à cesser d’être blancs. C’est la peinture qui libérera la couleur, mais il faudra longtemps pour que l’effet en soit sensible dans le quotidien : fauteuils rouge vif (…) façades bleues ou roses, sans parler des sous-vêtements mauves et noirs : cette libération apparaît bien liée à la rupture d’un ordre global. » Jean Baudrillard. Le système des objets. 1968.

 

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Les couleurs donnent à lire le découpage du sol en fonction des propriétaires différents.

A Genève, on est plutôt dans des tons éteints, entre patine du temps et crasse disgracieuse la ville arbore un look plutôt négligé qui varie au rythme de la rénovation de l’immobilier. En clair « ici on traîne et c’est un point de vue objectif car les chiffres existent, Genève est une des villes où l’on rénove le moins en Suisse. »

La couleur dans la ville.
dimanche 26 mai 2013, 14h-17h.
Balade guidée par Richard Quincerot, urbaniste, et Christian von Düring, architecte.

Lire: Les couleurs dans la ville. Richard Quincerot
Etude sur les façades de Genève
Département des Travaux Publics du Canton de Genève
Service des Monuments et Sites. 1985.

Note :  (1) ” Les couleurs ” voyantes ” vous regardent. mettez un costume rouge, vous êtes plus que nu, vous êtes un objet pur, sans intériorité. C’est en relation avec le statut social d’objet de la femme que ke costume féminin penche plus particulièrement vers les couleurs vives.”

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Publié dans architecture et urbanisme