Gaza, une richesse archéologique fabuleuse.

Fouilles du site byzantin de Mukheitem à  Jabaliyah. Édifice cultuel chrétien. Pavements de mosaïques polychromes, géométriques et figurés. © Mission conjointe : Département des Antiquités de Gaza et École biblique et archéologique française de Jérusalem. Photo : Jean-Baptiste Humbert, École biblique et archéologique française de Jérusalem. Les travaux de préservation in situ des mosaïques ont été entrepris dès 1997, grâce à  une collaboration entre le Département des Antiquités de Gaza, l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et l’Atelier de conservation et de restauration du Musée de l’Arles Antique.

Entretien avec Marc-André Haldimann, conservateur du Département d’archéologie des Musées d’Art et d’Histoire et commissaire d’exposition, et Jean-Baptiste Humbert, professeur à  l’École Biblique et Archéologique française de Jérusalem. 35:00.

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Et au MAH

L’exposition sera l’objet de nombreuses présentations sous des angles différents lors des Entretiens du mercredi et des Parcours-découverte du dimanche, voir les détails sur le site du Musée d’art et d’histoire.

Le catalogue, Gaza, à  la croisée des civiliations, coédition des MAH et de Chaman Editions, Neuchâtel, est en vente à  la librairie du musée. 59 francs.

Chaque mercredi le Barocco, le restaurant du musée, présente un menu palestinien.

– Le dimanche à  14h30, Parcours-découverte, en compagnie d’un historien, sans réservation, dans la limite des places disponibles :
3 juin, De la fouille au musée
2 septembre, Commerce et vin
23 septembre, Témoins d’architectures disparues
7 octobre, De la fouille au musée.
– Entretiens du mercredi. à€ 12 h 30, sans réservation, dans la limite des places disponibles :
23 mai, Gaza, des origines à  l’époque romaine, Marc-André Haldimann.
30 mai, Gaza byzantine, Marielle Martiniani-Reber.
20 juin, Une pêche miraculeuse : une outre de… petits bronzes, Matteo Campagnolo.
27 juin, Gaza égyptienne ?, Jean-Luc Chappaz.
5 septembre, Les dunes de Gaza et l’impuissance de l’homme face à  la nature, Danielle Decrouez.

“Genève, janvier 2007. – S’étirant le long de la côte méditerranéenne, les 362 km2 de la Bande de Gaza défraient nos journaux télévisés avec une tragique régularité. Marqués par des carcasses de voitures calcinées, des rangées de maisons détruites, des cortèges funèbres encadrés par des banderoles vertes, jaunes ou noires, nos regards occidentaux n’imaginent guère quelle richesse archéologique fabuleuse repose là , masquée par ce quotidien dominé par la violence ordinaire.

Les multiples fouilles archéologiques menées depuis le XIXe siècle ont pourtant progressivement révélé l’ancienneté et la grandeur de ce passé. Ces quinze dernières années ont été, par l’ampleur même des fouilles entreprises conjointement par le Département des antiquités de l’Autorité palestinienne et l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, particulièrement fertiles pour les recherches. Les dizaines de milliers d’objets issus de ces fouilles, ainsi que ceux provenant de la collection privée de Jawdat Khoudary qui, depuis plus de vingt ans, préserve les vestiges parfois monumentaux apparus dans les chantiers de Gaza, illustrent la diversité et les constantes des civilisations qui se sont succédé – et métissées – sur ce territoire aujourd’hui exigu.

Grâce aux cinq cent trente objets sélectionnés pour la circonstance – une première mondiale – le Musée d’art et d’histoire invite le public à  la découverte de la vie quotidienne, civile et religieuse dans la Bande de Gaza depuis 3500 av. J.-C.

Chapiteau Byzantin, Ve au VIe siècle. Marbre, 77 x 77 cm, haut. 54 cm. Gaza. © Collection Jawdat Khoudary, Gaza Photo : Chaman atelier multimédia, S. Crettenand
Ce chapiteau très décoratif est composé de deux rangs de feuilles d’acanthes placés de façon intercalaire sur deux registres. Sous l’abaque, quatre volutes encadrent les angles et le fleuron de l’abaque. Cette disposition est une variation développée régionalement que l’on peut identifier à  un groupe de chapiteaux provenant d’un atelier de Jérusalem. Ce groupe se serait développé assez tôt, vers le IVe siècle. La version présentée ici est plus tardive en raison du traitement très décoratif et en aplat des feuilles d’acanthes. Ce chapiteau appartient à  la grande production de l’époque et devait se trouver dans un édifice important de Gaza. Un chapiteau identique, provenant probablement du même bâtiment que celui-ci, est utilisé en réemploi dans une mosquée de Gaza.

Gaza, une histoire multimillénaire.

Dernier point d’eau pérenne avant le franchissement du désert du Sinaï, Gaza – située le long de la seule voie terrestre unissant l’Afrique à  l’Asie – est connue de tout temps pour la richesse de ses vergers, la clémence de son climat et l’abondance de ses ressources en eau. Dès la plus haute Antiquité, la région constitue un enjeu majeur : l’attrait pour les matières premières de Palestine (cuivre et bitume, mais aussi huile d’olive et vin) conduit l’Égypte prédynastique à  implanter, dès 3500 av. J.-C., la citadelle de Tell Sakan sur les rives du Wadi Ghazzeh, à  quelque douze kilomètres de la cité actuelle.
Cette prédominance égyptienne sera battue en brèche à  partir du IIe millénaire av. J.-C. par les populations syro-palestiniennes, connues sous le vocable de Hyksôs ; Gaza abrite alors le site exceptionnel de Tell al-‘Ajjul, le premier à  être fouillé méthodiquement à  partir de 1931 par Sir Flinders Petrie. La cité ne tarde pourtant pas à  basculer à  nouveau sous la domination égyptienne et ce fait entre dans l’Histoire, puisque sa conquête par Thoutmosis III, survenue le 25 avril 1468 av. J.-C., est rapportée dans les archives égyptiennes. Son territoire est alors jalonné par d’autres forteresses égyptiennes, tel le site de Deir-el-Balah, rendu célèbre par la découverte d’une nécropole du XIVe-XIIIe siècle av. J.-C. comportant une cinquantaine de sarcophages anthropomorphes en terre cuite.

Oculus (aérateur). Ottoman, XIXe siècle. Calcaire avec incrustation. Haut. 35 cm, larg. 43 cm, épaiss. 7cm. Gaza. © Département des Antiquités de Gaza. Photo : Chaman atelier multimédia, S. Crettenand
Axé dans le tympan, au-dessus de la baie (porte, portail ou fenêtre), l’oculus, orifice sculpté réalisé en pierre calcaire parfois incrustée, remplit à  la fois un rôle fonctionnel, permettant l’aération de la pièce même lorsque les vantaux sont clos, et un rôle décoratif dans l’architecture islamique. Sa décoration sculptée de dessins toujours symétriques reprend les motifs classiques des ornements architecturaux, le plus souvent des rosaces de différentes tailles, élément que l’on trouve dès le Ier siècle après J.-C. sur des ossuaires dessinées au compas sur une pierre préalablement compartimentée.

Dès 734 av. J.-C., l’Empire assyrien s’empare de la région et fait de Gaza sa frontière méridionale ; ladite frontière s’effacera devant l’expansion sans précédent de l’Empire perse, en 539 av. J.-C. L’essor commercial de Gaza est dès lors exponentiel : point de conjonction entre les routes caravanières acheminant l’encens et le poivre depuis l’Hadramaout (Yémen) et celle ouvrant la voie aux matières premières de Palestine, la cité et son territoire abritent dès lors plusieurs ports dont l’activité a été débordante.

Lampe à  huile décorée d’arabesques, Omeyyade, VIIe – VIIIe siècle, Céramique, Long. 8,5 cm, larg. 6,5 cm, haut. 4 cm, Blakhiyah, © Département des Antiquités de Gaza
Photo : Chaman atelier multimédia, S. Crettenand. Le naskhi est un type d’écriture arabe, plus cursive que le kouffik.

Le monde hellénique, à  la pointe des échanges maritimes, ne tarde pas à  fonder une cité portuaire à  quatre kilomètres de Gaza : les Grecs, probablement venus de Béotie, créent vers 520 av. J.-C. Anthedon de Palestine, que les fouilles conjointes de l’Autorité palestinienne et de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem ont mis au jour à  partir de 1996. La vocation de Gaza sera dès lors pérennisée pendant plus d’un millénaire ; la cité devient de fait un carrefour des civilisations entre l’Arabie caravanière des Nabatéens, l’Égypte, le Levant, la Syrie et un monde grec dont l’influence artistique imprègne profondément ce territoire privilégié. Ni la conquête d’Alexandre le Grand en 332 av. J.-C., pourtant sanglante, ni celle, éradicatrice, d’Alexandre Jannée en 96 av. J.-C. ne briseront le destin de Gaza, qui renaîtra de ses cendres sous la protection de Pompée en 57 av. J.-C. Déjà  fastueuse sous l’Empire romain, Gaza connaîtra pourtant son apogée sous l’Empire byzantin : dès le Ve siècle de notre ère, son vin est exporté jusqu’en Angleterre – et aussi à  Genève -, alors que son École abrite des théologiens de premier plan tels Barsanuphe, Jean de Gaza ou encore Marc le Diacre, dont les écrits ont profondément marqué la littérature chrétienne en Orient comme en Occident.
L’avènement de l’islam en 637 apr. J.-C. ne vient pas briser l’aura de la Cité ; elle demeure un carrefour essentiel et abritera à  partir du VIIIe siècle la plus célèbre École de droit islamique, fondée par Muhammad al-Shafi. Disputée par les Croisés et les armées musulmanes entre le XIe et le XIIIe siècle, elle se fondra progressivement dans l’Empire ottoman en demeurant une étape centrale pour la route du Pèlerinage.

De la poterie de 3500 av. J.-C. à  la colonne byzantine.

Le Musée d’art et d’histoire s’apprête à  accueillir une exposition hors du commun, par son ampleur comme par la nature du mobilier présenté. Instances officielles et collectionneur privé se sont en effet unis pour proposer au public genevois un véritable florilège archéologique. Ainsi, le Département des antiquités de l’Autorité palestinienne a prêté deux cent vingt et un objets issus des nombreuses fouilles de sauvetage conjointes franco-palestiniennes menées depuis 1994. En parallèle, Jawdat Khoudary a mis à  disposition trois cent neuf objets de sa collection archéologique privée. Elle est aujourd’hui officiellement inscrite à  l’Inventaire des biens culturels de Palestine.

Des jarres vieilles de cinq mille cinq cents ans au raffinement des vases en albâtre égyptiens, du casque de hoplite aux mosaïques byzantines, de la ménade enjouée à  la stèle ayyoubide, de la reconstitution minutieuse d’une somptueuse demeure hellénistique aux linteaux ornés ottomans, la diversité des civilisations accueillies au sein de la Bande de Gaza accompagnera, comme un fil conducteur à  la fois familier et surprenant, le visiteur dans son parcours au sein des salles. Placée à  l’orée du parcours, une amphore de Gaza, mise au jour en 1980 dans le sous-sol de la cathédrale Saint-Pierre de Genève par les fouilles du Service cantonal d’archéologie, témoigne de l’ancienneté du lien qui unissait Genève à  Gaza puisqu’elle fut importée au Ve siècle de notre ère déjà .

L’exposition présentée est le témoignage concret d’un espoir fondé sur le rôle – peut-être déterminant – d’une initiative culturelle permettant une exploration de l’identité palestinienne aux facettes si diverses. Cet espoir a déjà  pris une tournure concrète au Proche-Orient : le transport des objets de la collection de Jawdat Khoudary depuis Gaza a été mené à  bien le mardi 28 novembre 2006.

De l’exposition vers un musée archéologique à  Gaza

Le parfait état de conservation des ports antiques mis au jour à  Gaza – Blakhiah -, allié au nombre et à  la qualité des objets exhumés, suscitent le projet de créer à  l’emplacement même des ports un vaste musée archéologique. Patronné par l’UNESCO, ce futur musée, destiné à  préserver tant les structures antiques que les collections archéologiques, est envisagé avec l’appui technique et scientifique de la Ville de Genève, notamment en regard de l’indispensable concours d’architecture et de la formation du personnel palestinien. La scénographie muséale de l’exposition genevoise constituera dans ce sens une des variantes possibles pour la future présentation des collections.”

Commissaires de l’exposition : Marc-André Haldimann et Marielle Martiniani-Reber

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