
Jean-Baptiste Bonjour, « Italienne en costume », huile, vers 1950. David Hominal, « Détail », 2015. Photos : J.M.
Chambre d’écho, ou des choses en un certain ordre assemblées se trouvent en bonne compagnie et ouvrent des perspectives. À la Villa Bernasconi, Jérémie Gindre et Anaïs Wenger font dialoguer leurs oeuvres avec d’autres de la collection d’art de la Ville de Lancy.

« L’application du Plan Wahlen », 1940. Richard Reimann, « Mouvements » 1973. Daniel Ihly, « Les dix heures ». vers 1890.
Inviter un artiste à faire dialoguer des collections avec son propre travail n’est pas rare. A Genève, certains XXL ont revisité les collections du Mah avec plus ou moins de bonheur. Passé l’effet spectaculaire des premières salles les promesses n’ont pas toujours été tenues. Rien de tout cela à la Villa Bernasconi. Pas d’effet de communication ni de chef d’œuvre sorti des réserves mais des œuvres choisies par Jérémie Gindre dans son propre dépôt et dans les collections héritées où acquises par la ville de Lancy. C’est en toute humilité que ces « choses que l’on garde » sont des choses qu’il expose. Un bocal plein d’agrafes arrachées à des documents microfilmés par l’archiviste de Lancy qui illustre l’affiche en noir et blanc redouble cette modestie tout en évoquant le temps qui passe, notre capacité à conserver et rappelle encore que ces œuvres décorent parfois les bureaux de l’administration.

Jérémie Gindre, « Pagaies du Pays », 2023. Laurent Sabon, « Bords de l’Aire en-dessous de Tivoli », vers 1880.
Dans la villa, espace domestique, elles sont mises en espace sous l’égide d’un jeu d’enfant : les sept familles. Chaque pièce réunit sous une thématique un ensemble d’œuvres sans soucis de date ni de médiums. Salle d’eau, salon de l’agriculture, chambre des voisin, chambre des vents, le mur de grimpe … De petites pancartes en bois peint, cartels en dessus de porte, donnent le ton, amorcent des bribes de narration. Jérémie Gindre aime raconter des histoires, en publie très régulièrement et cette mise en espace pièce par pièce invite à regarder et à tisser des liens entre les œuvres pour se faire ses propres narrations. Mots et images font encore indice pour un Cluedo ou des charades. Le jeu à ici toute son importance, l’humour aussi mais sans ironie ni moquerie. Bien au contraire. Jeux de mots et d’esprit sont stimulés par celui du regard. Jeu de couleur et de forme, correspondances et renvois formels font circuler l’œil d’une œuvre à l’autre, tout en équilibre et harmonie. Chaque salle est finement composée, l’accrochage extrêmement délicat relève de l’art de la conversation et du chant choral ou ancien, moderne et contemporain, grande peinture et petits dessins, figuration et abstraction sont au diapason.
Jérémie Gindre, travaille ici les mots et les choses. Ni didactique, ni autoritaire, ni spectaculaire, il a l’élégance de laisser assez d’espace aux visiteurs et visiteuses pour se raconter leurs histoires et choisir ce qu’ils garderont de ces choses vues.
Anaïs Wenger, à trois reprises, déplacera en sac à dos des peintures de paysages rangées dans le vestiaire des choses que l’on promène sur les lieux qu’ils représentent travaillant ainsi avec les visiteurs et visiteuses sur le motif.
Claude-Hubert Tatot
Choses que l’on garde
8 0ctobre au 7 décembre 2025
Villa Bernasconi
Route du Grand-Lancy 8
Grand-Lancy