Christoph Schlingensief, le plus éminent provocateur d’Allemagne s’en est allé

portrait

Christoph Schlingensief, Berlinale 2010. ©Siebbi.

Christoph Schlingensief est décédé le 21 août 2010 à  Berlin. Connu comme le plus éminent provocateur d’Allemagne, l’homme de théâtre et de cinéma était surtout un artiste indiscipliné et indisciplinaire qui mit tous les modes d’expression artistique au service de sa volonté de contestation des institutions: l’Eglise qu’il accusait de fonctionner selon le mode cher aux terroristes, soit le règne de la terreur, et qui fut l’objet de son opéra «Â Church of fear » créé lors de Biennale de Venise en 2003;
Sa trilogie sur l’Allemagne 100 Jahre Adolf Hitler – Die letzte Stunde im Führerbunker (100 ans d’Adolf Hitler – Les dernières heures dans le bunker du Führer), Das deutsche Kettensà¤genmassaker (Massacre allemand à  la tronçonneuse) et Terror 2000 – Intensivstation Deutschland (Terreur 2000 – Allemagne, bloc de réanimation) suscita une controverse acharnée.
Christoph Schlingensief avait débuté comme directeur du théâtre berlinois Volksbühne. Il s’est engagé dans de nombreux projets en dehors du théâtre, par exemple en faveur des personnes dépendantes de drogues, des requérants d’asile ou des sans papiers, dans la gare de Hambourg en 1997. Il fut arrêté par la police lors de sa performance «Â Tuez Helmut Kohl » présentée à  l’occasion de la très politique Documenta X de Catherine David, en 1997.

Etrangers, Dehors !
En 2000, il avait réagi bien avant que le sujet des étrangers devienne l’objet de l’actuelle surenchère sécuritaire médiatique chère à  l’extrême droite avec «Auslà¤nder Raus!» («Etrangers, Sortez!») sur la place de l’Opéra de Vienne. La mise en scène de demandeurs d’asile enfermés dans des conteneurs à  l’endroit le plus en vue de la capitale autrichienne entendait dénoncer le discours de Jà¶rg Haider et du chancelier conservateur Wolfgang Schüssel.
Peu connu dans le milieu francophone, Christoph Schlingensief a travaillé récemment avec les principaux théâtres de Vienne, Berlin, Zurich et Francfort. Il a produit un Parsifal remarqué pour le Festival Wagner de Bayreuth.

Discutant des limites de la provocation dans l’art avec Daniel Birnbaum (commissaire de la Biennale de Venise 2009), «Â Christoph Schlingensief semblait croire véritablement au pouvoir de transformation de la poésie. A Bayreuth, il prétendit que les spectateurs rentreraient chez eux avec quelque chose de différent : «Â Wagner disait qu’il voulait faire disparaître l’orchestre, et qu’il voulait aussi rendre la scène invisible. Si vous fermez les yeux des images apparaîtront à  l’intérieur de vous. Ce qui est important ce ne sont pas les objets visibles sur la scène, mais la transformation qui peut se produire chez chacun ». Et ainsi, il surprit les spectateurs avec une production dont l’opulence visuelle rendait perplexe: elle comprenait un lièvre Beuysien en décomposition, des rituels vaudous, et une imagerie d’Afrique et d’Asie mais évitait toute confrontation politique. »

Les artistes de Fluxus, principalement Josef Beuys et Alan Kaprow, ont exercé l’influence prépondérante qui l’a conduit à  son style très personnel et provocateur de performances sur le mode de la guérilla.
Nombre de voix du milieu culturel allemand, à  l’instar de Susanne Gaensheimer, directrice du Musée d’art moderne de Francfort, le considèrent comme l’artiste allemand actuellement le plus important.

Jacques Magnol

 

Né le 24 octobre 1960 à  Oberhausen et décédé le 21 août 2010 à  Berlin des suites d’un cancer du poumon bien qu’il ait été non fumeur.

Liens: Schlingensief a crié sa maladie, enregistrant ses peurs lorsqu’il était hospitalisé, qui ont donné lieu à  un livre.
Voir : Eine Kirche der Angst vor dem Fremden in mir

Publié dans arts, théâtre