Repas théâtral au Galpon “Nous ne sommes pas ce qu’il y a dans les plats !”

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Clara Brancorsini, dans “Le Repas” d’après V. Novarina. Photo Jonathan Delachaux.

Dans l’espace intime du Galpon, Clara Brancorsini interprète, seule, les neuf personnages du Repas d’après Valère Novarina. Les spectateurs, dont le nombre est limité à quarante, reçoivent chacun une fourchette avant d’entrer dans la salle à  manger où ils s’installent autour d’une longue table et se transforment en convives qui mastiquent la langue de Novarina au cours d’un banquet théâtral.

La langue poétique de Novarina fait mouche et suscite les rires et les interrogations en alternant bons mots et considérations avisées, ainsi LA BOUCHE HÉLAS qui nous rappelle que “Lorsque nous mangeons, nous échangeons des choses mortes contre du vivant. Manger, c’est échanger ta vie.” Gabriel Alvarez engage son public dans un théâtre bien vivant, quoi de mieux que le partage d’un repas pour créer une communauté passagère?
Conseillons vivment l’expérience de cette participation en “levant nos yeux à  la suite des choses”, “Monde ! monde ! soyez présent !”

Jacques Magnol

Théâter du Galpon, Genève. Du 18 au 29 janvier 2012.

Article paru le 4 juin 2010 lors de la première présentation du Repas d’après Valère Novarina. Adaptation pour la scène des premières pages de La Chair de l’Homme.

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Le Repas vu par Gabriel Alvarez, metteur en scène

« Le Repas » c’est une création du SAT sur le texte de Novarina « Le Repas » qui est une adaptation pour la scène de « La chair de l’homme ». Une comédienne et un artiste plasticien de la gourmandise invitent 40 personnes à se mettre à table pour déguster les mots et les mets de Novarina.  Dans la pièce originale de Novarina, il y a neuf comédiens pour bien plus de rôles, ou plutôt bien plus de voix. Nous avons réduit les neufs personnages à  une seule comédienne, Clara Brancorsini et à  l’intervention plastique d’un artiste « gourmand » Cyril Vandenbeusch.

« Le Repas » nous parle de notre voracité consommatrice, de l’homme comme principal déprédateur de son propre univers. C’est donc un repas cosmogonique de grande ampleur dans lequel il s’agit de manger le monde : “Lorsque nous mangeons, où vont et où iront la somme des choses que nous engloutissons?” “Moitié va par terre rejoindre les cadavres par les bases; moitié va en l’air chez Jean Dieu!”

Nous savons que chez Novarina la parole revêt un caractère presque divin, dans la mesure où il suffit de nommer pour faire exister. Mais elle prend aussi une forme comique, bouffonne. Nous explorons toutes les variations possibles.
Parfois dans les prises de parole de l’actrice, le sens échappe, car comme le dit la Mangeuse Ouranique : “Le monde est un immense tube dont nous ne savons aucune des conclusions mais dont nous entendons la logique”.

La conception théâtrale de  Novarina, poussée jusqu’à  ses dernières conséquences, est une « mise à  mort » des coordonnées réalistes du théâtre – scènes d’exposition, actions vraisemblables, psychologie des personnages etc. C’est ainsi que les textes de Novarina ouvrent notre champ d’exploration sur la voix, la musique et ici en concret sur le rapport entre la chair qui se mange et la chair qu’on fait résonner.

Dans la poétique théâtrale de Novarina, philosophie et burlesque se mélangent. Ce type de mélange stimule ma recherche théâtrale. Elle me donne aussi la possibilité d’explorer la relation scénique entre acteur et spectateur.
Le théâtre de Novarina est pour nous un antidote à  « l’esprit du temps » théâtral, cette course effrénée cherchant à  provoquer des sensations et de « l’expressivité pour chacun ».

Gabriel Alvarez
Le Repas
d’après Valère Novarina. Adaptation pour la scène des premières pages de La Chair de l’Homme.

Théâtre du Galpon. 2 juin au 4 juin 2010 à  20h30, puis 9 – 12 juin à  20h30
2 rue du Vélodrome, 1205 Genève
T: 022 321 21 76

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