La haute horlogerie interroge les mutations politiques et technologiques

“La naissance d’une montre”. SIHH. Photo Jacques Magnol.

Lors du 8e Forum de la haute horlogerie qui s’est tenu à Lausanne, le 9 novembre, économistes, politiciens et académiciens ont planché sur le thème du « Temps des Mutations », le thème ad-hoc au lendemain de l’élection américaine qui pose nombre d’interrogations.

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français, a estimé que l’élection de Donald Trump était le résultat, comme en Europe, d’une montée des populismes et il a souligné la nécessité de développer un projet politique à l’échelle européenne : « A mon avis, cela tient au fait que les populations se sentent abandonnées, trompées et méprisées. Les promesses de la mondialisation ne se sont pas concrétisées pour les classes moyennes des pays à fort pacte social. Le vrai problème, c’est donc le décrochage des peuples. Or qu’est-ce que l’Europe a à leur offrir, si ce n’est une législation sur la taille des concombres ou des pommeaux de douche ? Faute de projet politique, nous assistons à une insurrection électorale comme aux Etats-Unis. Pour y remédier, je ne vois pas d’autres solutions qu’une opération chirurgicale de subsidiarité autour d’objectifs fondamentaux pour l’Europe dont la sécurité et la souveraineté font partie. »

L’auteur et spécialiste des questions politiques et sociales américaines, Jean-Eric Branaa, voit surtout dans ce résultat « le succès de Donald Trump un rejet de son adversaire, voire un rejet de l’establishment. Des arguments qui sont certes valables pour expliquer sa victoire mais qui ne rendent pas compte de ce qui l’on serait volontiers tenter de masquer : une adhésion massive au candidat républicain malgré tous ses excès. Une adhésion finalement à un homme « normal » et non à un super champion politique. Pourra-t-il, comme il l’a promis, être le président de tous les Américains et unifier un pays profondément divisé et blessé ? Une chose est sûre, nous voilà plongé dans un conservatisme datant d’il y a 50 ans avec l’espoir que les institutions américaines amèneront Donald Trump à gouverner au centre. »

Sans connectivité point de salut
Les mutations technologiques sont plus que jamais au centre des préoccupations pour le futurologue Gerd Leonhard : « La technologie connait une croissance exponentielle qui fait que tout ce qui pourra être numérisé et automatisé dans le futur le sera et à un rythme que l’on peine encore à imaginer. Corollaire de cette évolution, sans connectivité point de salut. L’intelligence artificielle entre en jeu qui va déboucher sur une informatique cognitive. En un mot, les machines pourront faire tout ce qui relève des tâches routinières, dans tous les secteurs. Cette évolution, qui dessine un futur qui ne sera assurément pas une extension de notre présent, exige de définir de nouveaux rapports entre l’homme et la machine, en sachant que toute identification est à proscrire. »

Cependant, selon Michael Wade, Professeur innovation et stratégie IMD, 
il ne faudrait pas procéder à la numérisation à outrance des systèmes et procédures. si numérisation il y a, elle doit viser essentiellement à l’amélioration des performances. Et pour y parvenir, pas question de vouloir simplement reposer sur une stratégie consistant à numériser les tâches. La souplesse et la réactivité d’une organisation sont de bien meilleurs atouts, surtout si elles visent à offrir des biens et services qui correspondent aux attentes avec un haut niveau d’adéquation.

Comment assurer une présence virtuelle
Les horlogers sont restés prudents pour anticiper les mutations et les défis dans leur secteur. Cyrille Vigneron, CEO Cartier, estime que sa marque aurait tort de céder aux sirènes du jeunisme mais se doit d’attirer l’attention des jeunes générations. Il est resté sur la question de la vente en ligne « Une des clés se trouvent évidemment dans la distribution où présence physique et virtuelle ont une complémentarité à jouer, mais dans un savant dosage encore à trouver. » Mais avant de vendre, il faut séduire, comme l’a relevé Olivier Audemars, Vice-président du Conseil d’Administration Audemars Piguet « La réponse tient en peu de mots : des horlogers qui produisent des instruments mécaniques complexes qui parlent au cœur avant de donner l’heure. »

Plus d’infos :
8e Forum de la Haute Horlogerie « Le Temps des Mutations ».
Fondation de la Haute Horlogerie

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