Joséphine, une diva couineuse qui voudrait tant être une artiste

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Bruno de Franceschi et Clara Brancorsini dans “Joséphine Cantatrice du peuple des souris” au Galpon.

Le pouvoir qu’exerce une diva sur ses admirateurs est immense, au point qu’ils ne se lassent pas d’adorer une diva sans voix plongée dans la crise de sa cinquantaine. “Je suis ici pour vous materner, pour vous séduire.” Que demande le peuple sinon de la joie avant de couiner à son tour.Gabriel Alvarez renoue avec le compositeur qui a fait ses preuves au fil de productions créées au Galpon telles Mack is Coming BackM… l’hypocondriaque, ou Coucou : Nous sommes tous des petits suisses dadaïstes. 

Joséphine la cantatrice est un des volets d’un triptyque de Kafka sur la condition humaine qui comprend aussi Premier Chagrin et Un champion de jeûne. L’auteur y traite de l’orgueil de l’artiste prêt à accepter, aujourd’hui encore, une condition difficile en échange d’un statut une fois mythique. Clara Brancorsini y incarne une diva habile à faire oublier à ses admirateurs qu’en fait elle couine au lieu de chanter.

Avec cette mise en scène de Joséphine, Gabriel Alvarez poursuit sur la voie « d’un théâtre musical qui ne renonce pas à une certaine recherche sur la manière de savoir comment le langage parlé et chanté peut s’articuler, et même se mélanger. »

« Ce spectacle est imaginé comme une « gloria-parodica » afin de dévoiler la vacuité de l’art comme forme du paraître, comme une forme d’extinction progressive du soi et comme le symptôme de la névrose égotique actuelle.
La diva Joséphine illustre de manière éclatante la vanité de l’art : elle monte sur scène, dresse ses cages de dompteuse, met en musique et en chorégraphie une imposture. Sa prestation donne dans le ridicule et le pathétique, elle se construit par simagrées, grimaces effrontées, tics et mines affectées. Bref, une momerie esthétique, l’art consumé de l’imposteur.

Kafka est connu pour ses univers spécifiques provenant du cirque, du théâtre populaire juif et même du music-hall. Kafka adorait ces endroits lugubres où de misérables petites troupes de théâtre refaisaient le monde avec des bouts de ficelle, avec un mélange de grandiose et de pauvreté. Nous avons voulu rester près de cet esprit et avons donc opté pour un décor qui évoque tantôt le chapiteau de cirque, le cabaret ou un grenier, où les temps et les objets sont superposés.
Joséphine et son pianiste font penser à ces couples de bouffons parasites, lubriques, menteurs et malfaisants que Kafka suscite un peu partout autour de ses « héros ». Les bouffons, dans l’œuvre de Kafka, se retrouvent constamment dans les clowns du théâtre populaire juif. »

“Il n’y a qu’au théâtre que l’on puisse faire n’importe quoi” clame l’artiste qui casse des noix sur des airs de Kurt Weill arrangés par Bruno de Franceschi. “I am a Diva” dit-elle à son public amusé. Pourquoi est-ce de l’art ? Parce que l’artiste en a décidé ainsi.

Joséphine Cantatrice du peuple des souris

Direction artistique : Gabriel Alvarez
Théâtre du Galpon – Genève
25 novembre au 14 décembre 2014
Mardi – samedi 20h, dimanche 18h Réservations : 022 321 21 76 – www.galpon.ch

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