Le théâtre fera toujours problème à  une société qui ne veut pas voir les problèmes réels traités. Bernard Schlurick.

Le théâtre est-il la dernière victime à  éliminer pour laisser le champ libre aux jeux et au divertissement ? Faut-il à  tout prix éviter l’horreur de la réflexion, de la prise de tête? le but central de tout art serait-il de divertir? Pourtant l’homme de goût jouit deux fois au théâtre, d’abord pendant la représentation, puis quand il rentre chez lui pour se poser les problèmes de la représentation.

Chaque lundi, de 12h à  14h, dans un endroit du Théâtre du Grütli, Bernard Schlurick questionne l’émergence presque simultanée dans la Grèce antique des premières démocraties et des premiers théâtres, et l’évolution concomitante et concurrente d’une pensée analytique (géométrie, philosophie, histoire) et d’une littérature affabulante (l’héritage mythologique revisité par la tragédie). Parmi les séances auxquelles vous avez (ou n’avez pas) échappé : “Catulle traduit Sappho”, “J’ai tué la peinture”, “Ratage de la communication et réussite de l’oeuvre d’art”, “La jouissance anachronique”, “Ceci n’est pas une mise en scène”, “Pouvoirs du politique et puissance de l’art”, “Le marteau, le clou, le mur… et le tableau”.
En avril, Bernard Schlurick aborde le thème de la 2ème saison (2007-2008) consacrée à  la Renaissance en compagnie des artistes et créateurs présents.

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Entretien avec Bernard Schlurick:

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Pour un observatoire dramaturgique: le Théâtre du Grütli a choisi d’inaugurer sa saison 2006-2007 par un colloque consacré aux origines grecques du théâtre occidental, débats auxquels furent conviés aussi bien des gens du métier que des universitaires. Mais quoi qu’il en soit des prétentions respectives des deux groupes, l’essentiel de ces journées a été consacré à  ouvrir une brèche dans un mur qui isole bien plus qu’il ne délimite deux domaines au fond voués à  se compléter. De cette rencontre est né le besoin d’agrandir la dite brèche en créant un observatoire dramaturgique qui aurait pour mission de rassembler plutôt que de diviser des spécialistes qui ont tout à  gagner de confronter leurs approches de ce qui demeure après tout un seul champ, le théâtre.

Les Tragiques “Dans cette optique plus ouverte aux confrontations qui favorisent l’évolution de l’art comme de la science, nous proposons un premier pas dans cette voie féconde, à  travers l’institution d’un séminaire au cours duquel l’héritage du théâtre de la Grèce antique serait systématiquement revisité dans le but de corriger les malentendus et les méconnaissances qui abondent à  son sujet.

  Qu’est-ce qu’hériter et de quoi au juste hérite-t-on, à  travers quels préjugés venus d’autres temps, mais qui n’en font pas moins barrage à  une vraie lecture de ce que nous appelons communément les Tragiques ?

 Sommes-nous même sûrs de connaître la Grèce antique, ou quelques stéréotypes surnageant au grand naufrage des connaissances qui suit les années d’école secondaire ne font-ils pas illusion, surtout d’ailleurs en raison de leur caractère d’évidence que rien n’est venu depuis remettre en question ?

  Savons-nous encore seulement ce qu’était un choeur tragique, et que sa composition supposait le plus souvent des femmes, des vieillards ou des esclaves, c’est-à -dire précisément ceux que la société athénienne du temps de la démocratie excluait d’emblée de tout débat civique ? La tragédie ne met-elle pas alors en place, scéniquement, un premier dialogue avec ces exclus au premier rang desquels figurent, est-ce un hasard, les femmes ? En somme, croyons-nous vraiment n’avoir plus rien à  apprendre d’un voyage aux sources de notre théâtre ?

  Telles sont les questions qui ne manqueront pas d’être articulées dans ce séminaire, dans la conviction implicite que savoir d’où l’on vient, fût-ce à  son insu, ne peut qu’aider à  définir ce qu’on est, et partant ce qu’on fait.” Bernard Schlurick

Écouter également :

Bernard Schlurick : Auteur, traducteur, fondateur et directeur de la revue d’art et de littérature Cavaliers seuls, Bernard Schlurick poursuit l’exploration d’une verbe prosaïquement poétique suivant la formule de “l’hésitation prolongée entre son et sens” (Paul Valéry).
Il a enseigné une dizaine d’années la littérature comparée à  l’Université de Genève. Il consacre son deuxième livre à  la Grèce antique (La Guerre du trois, pour une archéologie littéraire).

Publié dans littérature, théâtre