Les sirènes des Caraïbes face aux chimères de la célébrité

Du beau travail, avant même sa création au Galpon, Le Temps des Sirènes est déjà programmé au Festival de théâtre de La Havane. D’où vient une telle confiance ? Bon sang ne saurait mentir, Carlos Diaz l’un des metteurs en scène phare de la scène cubaine actuelle signe l’adaptation du texte d’Olivier Chiacchiari, auteur à succès d’une vingtaine de pièces de théâtre qui brocardent avec humour et cruauté la comédie des vies ordinaires.

Entretien avec Olivier Chiacchiari

 

Comment Olivier Chiacchiari voit-il la place de l’artiste dans la création d’un texte pour le théâtre ?

 

Le Temps des Sirènes met en scène deux sœurs passionnées de danse et de chanson qui forment un duo flamboyant – un tantinet désuet – Les Sirènes des Caraïbes. Victoria, l’aînée, a fait miroiter à Gloria un contrat dans un club prestigieux qui s’avère être une chimère. Gloria est furieuse. Dans quelle galère sa soeur l’a-t-elle embarquée?

Ecouter un extrait du spectacle musical

 
La pièce tragicomique qui se déroule sur le plateau du Galpon a-t-elle un lien avec la réalité ? Ce n’est guère important pour l’auteur qui préfère que ce soit plus vraisemblable que vrai et éviter de tomber dans le théâtre social ou documentaire. L’oeuvre expose toutefois un quotidien difficile : “l’angoisse perpétuelle de déjouer les pièges de l’immigration féminine, un univers où le contrat «d’artiste de cabaret » – porte ouverte à la prostitution – n’est jamais loin. Car nul n’émigre en toute impunité. Surtout lorsque l’on est une femme.”

Olivier Chiacchiari, le grand amateur de fables, tient avant tout à ce que le public ait du plaisir au théâtre. Le travail sur la réalité sociale sera donc décalé, distillé au fil des tensions, des retournements de situations, du suspense et des rebondissements qui font les bons romans. Il applique ainsi le conseil de Witold Gombrowicz, un de ses auteurs favoris : « Si vous voulez me parler de manière efficace, ne le faites jamais directement».  Dans des situations parfois cocasses, l’essentiel sera donc sous-jacent.

 

Le Temps des Sirènes, d’Olivier Chiacchiari d’après une idée originale de Silvia Barreiros, par la Compagnie Apsara.
Théâtre du Galpon, 18 au 28 avril 2013. Du mardi au samedi à 20h00. Le dimanche à 18h00. Lundi relâche. Réservations : 022 321 21 76
Durant le cycle Migrations du 8 avril au 23 mai.

Après la création théâtrale et une tournée en Suisse romande, Le Temps des Sirènes sera présenté au Festival de Théâtre International de La Havane en octobre 2013, puis au Festival de Théâtre International de Béjaïa en Algérie et de poursuivre cette tournée dans d’autres festivals latinoaméricains et à Miami.

Notes de Silvia Barreiros

Si l’émigration a souvent été traitée au cinéma comme au théâtre, elle a principalement parlé des hommes. Dans les rares cas traitant de femmes émigrantes, on les a toujours dépeintes comme épouses ou mères célibataires. Aujourd’hui, l’émigration féminine a bien changé. Certaines, libérées de ces préjugés sociaux, décident de prendre leur destin en main.

Malgré la crise économique que traverse l’Europe, le rêve européen perdure, encourageant bon nombre d’émigrants à traverser les frontières, les mers, pour arriver jusqu’à nous, prêts à tout pour accéder à une vie meilleure. Même si actuellement les temps sont durs en Suisse, ils sont toujours plus doux que dans d’autres pays du globe, et l’image de la Suisse, aux yeux du monde, est encore celle de la prospérité. A quel prix? Je m’interroge… Quoi qu’il en soit, j’ai choisi de mettre en scène deux femmes qui, malgré leur âge mûr, émigrent volontairement, convaincues d’améliorer leur futur, sans pour autant mesurer les profonds changements que cela entraîne.

La Compagnie Apsara fut créée en 2001 à Genève par Silvia Barreiros. Elle nous conte des histoires de femmes dans un contexte social bien précis, et ceci à travers le théâtre, la danse et la musique, en s’inspirant de cultures différentes pour ses créations.

 

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