What is art ? Une grenade lancée dans le Turner Prize

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Assemble. Photo de groupe. 2014.  Assemble.

Depuis l’avènement de l’art contemporain, l’art est ce qui est déclaré comme tel par l’artiste.
Mais que se passe-t-il quand un prix artistique est décerné à quelqu’un qui ne se considère pas comme un artiste et ne qualifie pas son travail d’oeuvre d’art ?
C’est le débat que suscite la remise du Prix Turner à Assemble, un groupe d’architectes qui oeuvre à la réhabilitation de maisons dans un quartier défavorisé de Liverpool.

Le choix du jury du Turner Prize, considéré par le quotidien The Guardian comme une « grenade lancée dans le Turner », dérange surtout car il est attribué à des « non-artistes ». Le vainqueur, le groupe Assemble, est un collectif constitué principalement d’architectes. La mission qui leur vaut le prix leur a été confiée par Granby Four Streets CLT, une association à but social engagée dans la préservation de l’habitat populaire face aux processus de gentrification dont les conséquences sont dramatiques pour les familles déplacées. Les architectes du groupe Assemble, eux-mêmes, ne se considèrent pas comme des artistes et n’estiment pas leur intervention à Liverpool comme relevant de l’art.

Art, non-art, le choix du jury remet donc sur le tapis la question de la définition de l’art. Si les tentatives de réponses restent en suspens, les supputations vis-à-vis d’un tel choix sont nombreuses dans les médias anglo-saxons : ce prix vise-t-il à promouvoir le rôle politique et social de l’art ? Est-ce une réaction contre un marché de l’art contemporain outrageusement corrompu ? Est-ce une tentative de redéfinir le paradigme qui régit la production artistique actuelle ? Est-ce un exercice d’auto-flagellation suscité par la déception que l’art actuel inspire à ce jury ? Est-ce une tentative d’élargir le champ de l’art à d’autres formes non traditionnelles (architecture, cuisine, artistes de variétés, théâtre, etc.) ? Est-ce une critique violente du marché de l’art, un coup de semonce médiatique contre ce marché particulièrement sale qui fonctionne dans la plus grande opacité ? Ou bien, est-ce une tentative de l’ultralibéralisme d’instiller dans les esprits la notion de l’« utilité » nécessaire de l’art, notion qui va de pair avec le mantra de la « culture qui rapporte » cher à toutes les sensibilités politiques ?

Effectuer un bon travail de plomberie est-il de l’art ?

The Art Newspaper reconnaît que “les anciennes catégories n’importent plus dans le monde de l’art contemporain dans lequel tout peut être considéré, qu’il s’agisse d’odeurs, des sons, des dias ou des pratiques sociales”.
Ces considérations ne distraient pas le collectif d’architectes. Louis Schulz, 27 ans, membre du groupe explique à The Guardian : « Avant (ce prix) n’était pas un sujet sur lequel il nous semblait utile de réfléchir. Et c’est amusant car nous ne pouvons décider de nous considérer ou non comme des artistes. Pour nous, ce n’est pas important : c’est un sujet de discussion académique. Nous, nous sommes plus intéressés à réaliser de bons projets, sa collègue Maria Lisogorskaya, 28 ans, ajoute « parfois il est simplement question de réaliser un bon travail de plomberie ». Un travail d’art donc.

Les membres du groupe Assemble discutent de leur nomination :

 

Publié dans politique culturelle