L’homme et sa planète, la possibilité d’une île

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Marcel Broodthaers, Un voyage en mer du Nord. Livre, boîte, film 16mm.

Une exposition qui comprend des installations, des vidéos et des films intéressants, un catalogue – de plus gratuit – pour détailler les démarches, et une artiste chargée de la réception qui connaît particulièrement bien son sujet (un fait si rare qu’il mérite d’être signalé), c’est au Commun, dans le BAC de la rue des Bains, jusqu’au 2 août.

Les effets de l’activité humaine sur l’écosystème de la planète sont le cadre général de darker and darker grows the landscape où Isabelle Vuille et Bénédicte le Pimpec mettent en scène neuf artistes qui concentrent leur attention sur les rapports de l’homme avec (ou contre) ses semblables, la nature et la science.

« Dans le roman de Michel Houellebecq, la possibilité d’une île désignerait la possibilité de sortir de soi pour s’ouvrir au monde, pour découvrir des territoires inconnus et y trouver une forme d’accomplissement. Si le motif de l’île a toujours fait miroiter des images de nature et de luxuriance, jouant à la fois d’une réalité géographique et d’une allégorie, qu’est-ce que cette image, romantique et fantasmée, peut encore dire aujourd’hui ? Que peut-on encore désirer chercher, dans un monde de plus en plus connu, répertorié, connecté, surveillé – un monde épuisé ? Faudra-t-il, comme le personnage houellebecquien, être privé de liberté de mouvement pour avoir envie d’explorer quelque chose ? Faudra-t-il que le monde soit détruit pour qu’on le regarde encore ? »  (Extrait du catalogue, Isabelle Vuille et Bénédicte le Pimpec).

 

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Marcel Broodthaers, Un voyage en mer du Nord. Livre, boîte, film 16mm.

Le film « Voyage en mer du Nord » (1974) se présente comme un livre – il est d’ailleurs à l’origine accompagné d’une publication. « Ce film parle aussi du rapport aux éléments – la mer – et de l’exploration. Si les enjeux du temps des caravelles étaient aussi bien de l’ordre du savoir (agrandir le monde connu) que du commerce (agrandir le marché), l’enjeu du voilier ne serait que l’aventure per se. »

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collectif_fact (Annelore Schneider & Claude Piguet) “At a Loss for Words ”, 2015. Vidéo.

« At a Loss for Words », vidéo produite spécifiquement pour l’exposition, explore les possibilités de la narration à partir d’un espace très particulier. Dungeness est un promontoire sur la côte du Kent en Angleterre, formé en grande partie d’une plage de galets, c’est l’unique désert de Grande-Bretagne. Ce lieu comprend une diversité d’architecture surprenante: des cabanes de pêcheurs, une centrale nucléaire, un chemin de fer pour un train à vapeur miniature, des carcasses de bateaux, ou des maisons de vacances construites par de grands architectes contemporains… »

 

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Jasmina Cibic, “Situation Anophthalmus hitleri”, 2012. Illustration scientifique d’“Anophthalmus hitleri” par Filipe Gudin et Tanza Croutch, 2012 crayon, aquarelle, encre. (Vue partielle de l’exposition, 23 juillet 2015)

“Le projet “Situation Anophthalmus hitleri” s’attache à la représentation nationale slovène au travers des prismes de l’art, de l’architecture et de l’entomologie. L’Anophthalmus hitleri est une sorte de scarabée aveugle vivant exclusivement dans certaines grottes slovènes. Découverte en 1933 par un entomologiste et nommée en hommage au Führer, cette espèce endémique est aujourd’hui menacée d’extinction.
Questionnant la représentation d’une nation à partir d’un insecte, Jasmina Cibic demande à une quarantaine de scientifiques de dessiner le scarabée, en se basant seulement sur l’idée qu’ils s’en font, et présente les dessins en lien avec une architecture de Vinko Glanz, architecte du régime de l’après-guerre yougoslave.”

 

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Riikka Taurianien, “Franklin’s Expedition 1845” 2015. Fusain sur papier.

“Knowledge, nomadism and fishing” de Riikka Taurianien (Finlande) propose, sous la forme d’une installation et une performance, une présentation des recherches menées par l’artiste autour des problématiques de la pêche actuellement, l’influence d’une industrie de plus en plus problématique, la colonisation de la mer et des espèces et la (re) découverte de vieilles techniques de pêche.

 

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Muriel Orlow, “The Creole Herbarium”, 2015.

« The Creole Herbarium » est un projet de recherche qui examine les différents aspects de la botanique et l’héritage du colonialisme depuis deux points de vues: l’Afrique du sud et l’Europe. A l’occasion d’une résidence en Afrique du Sud au début de l’année 2015, l’artiste a mené une recherche sur la flore locale et notamment les liens entre plantes indigènes et plantes importées par les colons britanniques.
Pour la première exposition de ce projet au BAC à Genève, Muriel Orlow souhaite présenter un premier chapitre focalisant sur le jardin des prisonniers de l’île de Robben (où Nelson Mandela était incarcéré pendant dix huit ans), créé en 1650 et destiné à prduire des légumes et fruits frais pour les bateaux de la compagnie Néerlandaise « East India ».

 

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Aurélien Froment, “Pulmo Marina”, 2010 Projection vidéo HD avec son, 5’10’’.

« Dans le film « Pulmo Marina » (2010) un plan fixe montre le ballet fascinant d’un Phacellophora Camtscatica (« méduse œuf au plat »). La voix off, une voix d’homme posée comme un commentaire de documentaire, décrit l’animal d’un point de vue physique et biologique, puis elle évoque les mythes qui lui sont rattachés, etsa perception à travers l’histoire. Enfin, le commentaire mentionne la situation dans laquelle le film a lieu – un aquarium de Monterey Bay, car on ne peut pas observer l’animal en milieu naturel –, ainsi que le dispositif de vision – une lumière frontale et un fond artificiel bleu. »

 

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Gerard Byrne, “Case Study : Loch Ness (some possibilities and problems), 2010. Détail de l’installation.

« Gerard Byrne cherche les traces du passé dans le présent et questionne ainsi la construction linéaire de l’histoire. Le projet « Case Study : Loch Ness (some possibilities and problems) » est le résultat d’une recherche menée entre 2001 et 2011, période pendant laquelle l’artiste s’est rendu très régulièrement sur les lieux du mythe. Travaillant à partir des archives, notamment de la presse locale, il montre la construction de l’histoire du monstre en vue de retombées économiques directe (vente des journaux, tourisme). Pourtant, déconstruisant le mythe il s’y attache d’autant plus, et les très nombreuses photographies analogiques qu’il réalise sur place semblent empreintes de la présence du monstre, dont on croit voir des traces partout. Comme si, dit-il, « l’absence est si forte que cela cache forcément quelque chose».

 

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Maxime Bondu, “24301, Tel-Avivunia Israel”, 2015 collage.

« La pièce « Le bestiaire de l’espionnage » est une production spécifique de Maxime Bondu pour l’exposition. En juillet 2013, non loin de la frontière syrienne, des habitants d’un village turc découvrent un faucon crécerelle avec une bague de marquage au nom d’Israël. Considéré comme un espion à la solde du Mossad, ils le livrent aux autorités qui pratiqueront des examens sur l’animal avant de le relâcher quelques heures plus tard. »

darker and darker grows the landscape
(la possibilité d’une île)

Le Commun, Bâtiment d’art contemporain, 28 rue des Bains, 1205 Genève
3 juillet au 2 août 2015.
Visites guidées les 12 juillet à 17h, 23 juillet à 18h.
darkeranddarkergrowsthelandscape.tumblr.com

Publié dans art contemporain, vidéo