Scénographie en mouvement et construite en direct

Les Fondateurs font du théâtre. Théâtre de l’Usine. Photo Dorothée Thébert.

Entretien avec Zoé Cadotsch avec Julien Basler, actuellement au Théâtre de l’Usine.

 

Rencontre avec Zoé Cadotsch et Julien Basler.

Comment mettez-vous en place un décor embrayeur d’imaginaires créés en direct par l’acteur ?

Julien Basler : Au démontage d’un décor au Théâtre du Grütli, nous nous sommes demandés, Zoé Cadotsch (scénographe) et moi (metteur en scène) alors au sein de la Compagnie des Arts, si plutôt qu’un texte comme base de travail et structure dramaturgique, nous prenions la construction d’un décor réalisée en improvisation.

Pour Les Fondateurs font du théâtre, les éléments scénographiques ont été empruntés à des fonds appartenant à des théâtres genevois. Il s’agit ainsi d’une forme d’héritage concret d’autres pièces jouées par le passé. Nous replaçons ces pièces rapportées dans le cadre de la scène du Théâtre de l’Usine, qui est une boîte noire représentant au mieux le théâtre expérimental post-dramatique et performatif contemporain. Cet objet, accessoire, partie de décor a ainsi déjà joué ailleurs. D’où l’essai de le regarder avec un mélange de respect et de curiosité. Ainsi ai-je essayé, lors de la représentation de jeudi dernier, d’écrire à partir de cette première pierre posée sur le plateau, en l’occurrence une table de nuit devant laquelle je pose, repose et reprend la pose.

Zoé Cadotsch : Le spectacle se construit par accumulation d’objets et d’actions en partant d’un plateau vide permettant d’échafauder un décor ou plutôt les hypothèses de celui-ci comme autant d’amorces de récits. L’objectif est de rechercher un théâtre en mouvement quitte à le perdre parfois. Le chant intervient aussi comme  une respiration, une rythmique, l’esquisse d’une choralité à l’écoute de soi et de l’autre, intensément, à l’image de tout le tissu de la mise en jeu des acteurs.

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Photo Dorothée Thébert.

D’autres volets de ce processus de construction live d’un décor (Les Fondateurs, Les Fondateurs 2, Les Fondateurs et le dragon magique) étaient basés sur une construction d’un espace scénique à partir de matériaux concrets. Ainsi des troncs ou du papier journal faisaient-ils office de matériel de bricolage et de construction. Ces matériaux ne servaient à construire qu’un élément scénographique. D’où, pour avancer dans la démarche, la nécessité de s’émanciper de cette systématique. Soit initier la démarche dans le produit ou l’objet manufacturé qui sont investis d’une identité forte, narrative. Ainsi la colonne grecque qui arrive dans le spectacle et dont les interprètes se laissent le temps de la regarder, la jauger, la contempler. Peut-être la colonne est-elle aussi importante dans son identité que l’acteur sur le plateau ? Ce qui intéresse est la manière dont s’instaure le dialogue avec l’objet et la recherche de création d’espaces concrets qui ont été tour à tour mis en pièces lors de la représentation de jeudi. Ce qui n’est pas le cas tous les soirs de jeu.

Etant originellement plasticienne, s’est développé tôt chez moi un amour pour les objets, dont j’ai la sensation qu’ils parlent. « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? », s’interrogeait le poète Alphonse de Lamartine. Du coup, ce désir de convoquer ou amener les objets sur scène avec le même statut que celui d’un acteur. Depuis le début, nous avons envisagé le fait de construire quelque-chose sur scène comme la structure même de nos spectacles. Tout part de cette construction, les discussions, La construction structure dramaturgiquement notre temps et notre espace.

 

Propos recueillis par Bertrand Tappolet

Les Fondateurs font du théâtre Jusqu’au 9 juin, 20h30, à Genève. www.theatredelusine.ch

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