Migrations : coups de filet à  Jaman

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Au col de Jaman, on trouve les plus hauts filets d’Europe (plus de 9 m). Photo Laurent Vallotton ©Muséum de Genève

Pour regarder un Grosbec Casse-noyaux,  un Grimpereau des Bois ou un Roitelet Huppé droit dans l’oeil et lui souhaiter bon vol pour la suite de sa migration,  la bonne adresse en ce moment est le site de baguage du col de Jaman (au-dessus de Montreux) installé par le Cercle Ornithologique de Lausanne et le Museum d’Histoire Naturelle de Genève.

Un ornithologue et scientifique du Muséum de Genève ainsi que l’équipe du Groupe d’études faunistiques de Jaman (GEFJ) accueilleront le public, du 6 au 19 octobre 2012, au col de Jaman (Vaud), l’un des plus grands sites de baguage d’oiseaux d’Europe. Les participants pourront voir de près plusieurs espèces capturées à des fins d’étude par les spécialistes. Ils pourront observer les oiseaux en train de migrer, visiter les installations de capture et découvrir la technique du baguage qui permet de mieux comprendre le phénomène complexe de la migration.
Facilement accessible de Montreux soit en train puis à pied (1h / 1h30 de marche), soit en voiture, le col de Jaman (1500 m) est l’un des deux sites d’étude de la migration automnale des oiseaux en Suisse. Il offre de plus une vue imprenable sur le panorama lémanique et la vallée de l’Intyamon. Depuis 1991, le Groupe d’études faunistiques de Jaman y a installé une permanence de baguage qui fonctionne jour et nuit, de début août à mi-octobre. Plus de 154’000 oiseaux appartenant à 123 espèces et plus de 3400 chauves-souris appartenant à 20 espèces ont déjà été capturés puis relâchés sur ce site.  L’animation est gratuite, informations en bas de page.

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Chouette chevêchette (Glaucidium passerinum), oiseau assez rare en Suisse et hôte régulier du col de Jaman Photo Laurent Vallotton Muséum de Genève 

Les raisons du coup de filet

La capture en douceur d’oiseaux migrateurs – et la migration d’automne est actuellement en plein trafic –  permet de leur poser une bague qui servira à  suivre leurs itinéraires ( encore faudra-t-il les re-capturer …) , à  évaluer leur état de santé,  et plus globalement à  recenser les espèces qui peuplent le biotope européen. Il faut savoir pour mieux comprendre.
Le site du col de Jaman n’a pas été choisi pour la beauté de son panorama avec vue imprenable sur le Léman.   1512 mètres dans les Préalpes vaudoises,  à  l’extrémité sud-ouest de la vallée de la Gruyère,  Jaman se trouve pile dans un des axes de migrations en Europe centrale.  On évalue à  environ  5 milliards le nombre d’oiseaux qui sont en migration automnale sur notre continent.

Les ornithologues ont donc dressé au col de Jaman des filets qui atteignent 10 mètres de haut. Une pêche aux oiseaux migrateurs qui a besoin de chance : suivant la force et la direction des vents ( la bise en particulier )  ils peuvent voler à  500 ou 1’000 mètres du sol.  Le nombre de ceux qui se prennent dans le filet est donc aléatoire. Il y a des jours sans …

Au total, toutefois, depuis sa création en 1991 et grâce à  son fonctionnement jour et nuit du début août à  la mi-octobre, le centre de baguage a capturé en douceur puis relâché durant les 14 années passées  134’475 oiseaux de  122 espèces, et … 2’916 chauves-souris de 20 espèces.  Ce qui fait de Jaman l’un des plus importants sites de baguage d’Europe.

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Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), une espèce emblématique de la Suisse. Photo Samuel Beuchat ©Groupe d’études faunistiques de Jaman

Capturés, bagués.  Auscultés ?

Un oiseau migrateur empêtré dans un filet est une petite chose misérable.  Il s’agit de le sortir de là  avec un maximum de délicatesse.  Si les Bouvreuils Pivoine résistent mal à  ce stress,  les autres se contentent d’être grincheux et passifs, il s’agit de passereaux, les autres représentant une quinzaine d’espèces qui vont de la buse à  l’épervier en passant par la chouette hulotte.

Si l’oiseau ( ou la chauve-souris ) s’en tire avec une bague à  la patte et la liberté retrouvée,  les scientifiques en auront profité pour un rapide examen. Comme nous l’explique Laurent Vallotton, adjoint scientifique  et ornithologue au Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Genève,  on procède à  un bref  ”check-up”  de la capture.

On détermine l’âge  : en fait, il/elle est de l’année ou pas.  Adulte ou jeune. Aller plus précis serait hasardeux. On a enregistré un pinson bagué qui avait bien ses dix ans ( un record), alors que la moyenne serait plutôt de  4 à  5 ans – chez ceux qui atteignent l’âge adulte.
On pèse l’oiseau, on mesure la longueur de son aile, et aussi celle de sa 3ème plume rémige qui est la plus longue de l’aile. L’ornithologue va aussi évaluer les réserves de graisse de l’oiseau en lui soufflant sur les plumes du ventre pour les écarter (ça chatouille hi hi hi),  et jauger le développement du muscle pectoral.  Côté plumes, les couleurs et la texture indiquent quelles mues ont eu lieu ou sont en train.  Tous ces paramètres sont précieux pour évaluer l’état de santé d’oiseaux  en cours de migration,  et peut-être en déduire comment leur espèce s’est tirée des aléas de l’été.

Pascal Moeschler, conservateur au Muséum d’ Histoire Naturelle de Genève,  à  qui les chauves-souris ne peuvent plus rien cacher, serait fâché si aucune mention n’était faite des 2’916 chauves-souris prises dans les filets du col de Jaman.  Sur les 28 espèces existant en Suisse, 18 y sont représentées.  A remarquer : un Oreillard déjà  bagué en tant qu’adulte en  1991. Bel âge !  Mais les migrations de nos helvètes chauves-souris ne sont que locales, en fonction des populations d’insectes dont elles se nourrissent.
Jean-Jacques Kurz

une première version de cet article est parue le 30 septembre 2009.

Informations pour le public
+41 (0)77 406 40 33 dès le 6 octobre 2012
Les enfants dès 4 ans, accompagnés d’un adulte, sont les bienvenus.
L’accueil n’a lieu que si les conditions météorologiques locales le permettent. Se renseigner par téléphone en cas de doute.
Attention: les visites matinales sont souvent les plus riches en observations !
Chaussures confortables et vêtements chauds recommandés.

Accès à partir de Montreux
En voiture:
Sortir de l’autoroute à Montreux puis suivre Les Avants (Chernex, Chamby, Les Avants). Traverser Les Avants et suivre Col de Jaman – Restaurant Le Manoïre. Se parquer en face du restaurant (la station de baguage et les filets se trouvent à 200 m à pied).
En train puis à pied:
Prendre le train MOB (Montreux-Oberland bernois) à Montreux. Descendre soit aux Avants (1h30 de marche en montée) soit aux Cases (1h de marche en montée).

et sur le site du baguage de Jaman.

Frères et soeurs humains, nous aussi migrons à  Jaman le temps d’un jour.

Voir aussi sur “Genève Active” : Les oiseaux de Suisse

Publié dans nature