L’auteur des trous dans le fromage est enfin démasqué

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Dessin de Riss, copié dans un ancien numéro de Charlie.

C’est l’inframince du foin.

Les trous dans le fromage sont un phénomène saisissant, qui fascine tant les enfants que les adultes. Les fabricants d’un grand nombre de fromages traditionnels suisses, comme l’Emmental ou le fromage d’Appenzell, attachent beaucoup d’importance à ces manifestations typiques de certaines sortes de fromage. Mais comment et où apparaissent ces trous? Et comment les fromagers-ères parviennent-ils, jour après jour, à maîtriser le processus de formation de l’ouverture, afin que celle-ci corresponde à l’image idéale qu’on se fait d’un fromage à trous typique? Il ressort d’une récente étude d’Agroscope et de l’Empa que la formation des trous dans le fromage ne relève pas du pur hasard. C’est lors de cette étude que le mystère des trous dans le fromage a finalement été percé.

La formations des trous dans le fromage: une énigme datant de 1917
De tout temps, le phénomène de la formation des trous a attiré l’attention de la science. En 1917 déjà, l’Américain William Clark avait publié un article de synthèse approfondi sur la formation des trous dans l’Emmental. Dans cet article, Clark tentait d’expliquer avec les  connaissances de l’époque l’énigme de la formation des trous. Les scientifiques d’autrefois supposaient – mais il ne s’agissait que d’une vague hypothèse – que les trous se formaient sous l’action du dioxyde de carbone produit par des bactéries (bactéries propioniques, bactéries lactiques, etc.). Ils ne savaient cependant ni quelle espèce de bactéries ni quel processus de fermentation étaient à l’origine de la formation de gaz dans l’Emmental. Or, ce qui est d’autant plus étonnant, c’est qu’ils se posaient déjà la question de savoir pourquoi les trous se formaient à certains endroits et pas ailleurs.

Un lait trop «propre» est synonyme de manque de trous
Au cours des décennies passées, des scientifiques ont tenté de percer l’énigme des trous. Alors qu’autrefois l’Emmental, par exemple, présentait trop de trous en hiver, les fromages fabriqués au cours des 10-15 dernières années ont quant à eux de moins en moins de trous. On attribue cette diminution à une technique de traite toujours plus performante et par conséquent à un lait toujours plus propre. Des chercheurs-euses d’Agroscope ont émis l’hypothèse que les microparticules de foin pouvaient être à l’origine de la formation des trous dans le fromage. Pour étudier le développement de l’ouverture (nombre, taille et répartition) au cours de l’affinage d’une durée de 130 jours, les chercheurs-euses d’Agroscope et de l’Empa ont mis au point une nouvelle méthode pour étudier la formation des trous au moyen de la tomographie assistée par ordinateur. Les résultats des séries d’essai se sont révélés étonnants. Même les chercheurs-euses en sont restés stupéfaits! En résumé, selon le dosage des particules de foin, le fromager peut quasiment piloter l’ouverture du fromage à sa guise.

Les petites particules de foin sont à l’origine des germes de trous dans le fromage
Grâce à cette découverte, on peut désormais expliquer scientifiquement l’énigme de la diminution des trous. La traite traditionnelle à l’étable avec des seaux ouverts a été remplacée au cours des dernières décennies par des systèmes de traite fermés. Ces améliorations techniques ont certes diminué le risque de contaminations microbiologiques indésirables, mais ont aussi totalement supprimé les microparticules de foin dans le lait. Conséquence: il y a moins de «germes de trous» dans le fromage. En plus du lait, de la présure et des cultures bactériennes, le fait d’avoir besoin d’une prise de poussière de foin pour la fabrication de fromage traditionnel est un bel exemple qui montre que la production et la transformation du lait cru sont aujourd’hui encore étroitement liées et qui souligne le caractère naturel des fromages suisses traditionnels au lait cru.

D’après le communiqué du Groupe de recherche Alimentation humaine, analyse sensorielle et arômes
Agroscope, Institut des sciences en denrées alimentaires IDA.
Pour en savoir plus : www.sciencedirect.com et Agroscope.

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