La fin probable du Centre de la photo de Genève ne suscite aucune émotion dans le milieu culturel

Les détracteurs du Centre de la photo de Genève ne pouvaient rêver mieux que du flottement de l’association qui n’avait pas prévu d’exposition au CPG après l’échec de son bras de fer avec le Département des affaires culturelles. Faute d’avoir obtenu une rallonge de moyens financiers, en sus de sa dotation de 265’000 francs annuels d’argent public, c’est en l’absence de Joerg Bader, l’actuel directeur,  que le comité de l’association a improvisé une exposition dans le cadre de la MAC, la Manifestation d’art contemporain du week-end du 20 septembre. Le CPG est la seule des structures prévues dans le cadre de BAC + 3 à  occuper effectivement un espace. Pour combien de temps?
Georges Didi-Huberman parle (Alfredo Jaar, La politique des images, 2007) du “domaine de la “photographie contemporaine” dont on aurait bien du mal à  définir un territoire autonome). A l’heure où les artistes passent d’un médium à  l’autre, les catégories traditionnelles (peinture, sculpture, photographie) sont obsolètes, Joerg Bader l’avait lui-même implicitement reconnu lors de l’exposition Richter quand il précisait vouloir dépasser le cadre de la photographie pour ouvrir le Centre aux autres formes d’art. Il se présentait alors en concurrent de l’intérieur aux grandes structures du BAC alors que les statuts du CPG prévoient la seule exploration “des divers champs de la photographie contemporaine”. Le Centre d’art contemporain a dans ce domaine réussi récemment plusieurs expositions de bonne tenue et se profile comme le repreneur naturel de l’activité que le CPG a tant de mal à  assumer.
Joerg Bader se trouve pris dans des conflits d’intérêts qui dépassent autant sa personne que la photographie. Au départ, installé à  ce poste et soutenu par le MAMCO, quand il représentait un allié contre le CIC, il a maintenant perdu sa valeur tactique. Joerg Bader est aujourd’hui, de surcroît, l’objet d’attaques publiques de la part de ceux qu’il a aidés à  entrer dans le comité de l’association, ainsi qu’à  l’hostilité de la famille Auer dont l’objectif est de trouver un lieu (et un financement) pour déposer sa collection de clichés et d’appareils, soit une sorte de musée Jean Tua de la photo.
Hors la responsablité de toutes les parties prenantes qui ont combattu le projet de pôle genevois de l’art contemporain, l’échec de BAC + 3 signe un incroyable manque de courage politique. On pourrait attendre de M. Mugny qu’il nomme, enfin, à  la direction de ces structures, des responsables qui ont fait leurs preuves et soient capables de faire rayonner petites ou grandes institutions.Le magistrat a su le faire pour le musée d’ethnographie, avec Jacques Hainard, ce qui a permis de sortir le musée de l’oubli. Dans le domaine de l’art contemporain, le magistrat semble plutôt être l’otage de milieux privés actifs sur le marché de l’art. Les Jacques Hainard, Michel Ritter ou Harald Szeemann ne courrent pas les rues, il faut les chercher.

Jacques Magnol

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8 octobre 2009. Suite à  notre article, Michel Auer nous précise qu’il n’a pas l’intention de demander l’installation de sa collection dans les locaux du BAC. Après l’échec des négociations avec la municipalité de Montpellier pour l’installer à  demeure dans cette ville, le couple Auer a pris la décision de la conserver dans des locaux privés à  Hermance. Selon Michel Auer, une réunion devrait se tenir entre les membres de l’association qui gère le Centre de la photographie pour décider de l’avenir de Joerg Bader. Le membre fondateur du Centre regrette que les statuts changent en fonction des intérêts des directeurs, de Alan Humerose à  Joerg Bader, et des querelles internes; il suppose que Patrice Mugny ne serait certainement pas déçu de la disparition du centre.

 

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Rappel: En mars 2008, Jorg Bader, épaulé par son comité, avait envoyé une lettre ouverte à  Patrice Mugny dans laquelle il accusait le patron du DAC de vouloir démanteler le Centre de la photo : “Nous croyons que votre désengagement envers le CPG fait partie intégrante de votre projet manifeste de démantèlement de l’ancien projet Bac+3. Vous visez par cela l’homogénéisation de la culture visuelle à  Genève. Vous semblez défendre l’idée qu’à  terme, il n’y ait à  Genève plus qu’un musée et un centre pour présenter de l’art: le MAMCO et le CAC. Avec une telle approche, vous faites abstraction de la continuité historique des pratiques et des discours liés à  chaque médium. Or, c’est justement la coexistence d’espaces dédiés à  l’« art » et d’espaces dédiés à  des « formes d’art » particulières (la photographie, la vidéo, l’édition, etc.) qui fait la grande hétérogénéité et la vitalité des arts visuels et de la scène genevoise plus spécifiquement.”

Collection Auer: la “Fondation Auer Ory pour la photographie” a été créée en mars 2009 pour “conserver, mettre en valeur et assurer la notoriété publique de la collection de photos, ouvrages et appareils photographiques de Michèle et Michel Auer”. Elle compte parmi les membres de son comité, présidé par Michel Auer, Marc Albert Braillard, également membre de la Fondation Braillard qui s’était proposée en 2006 pour conserver la collection de la famille Auer. Faute de moyens et des compétences nécessaires, la fondation avait par la suite renoncé.

Commentaire:
Lors d’une récente rencontre au Musée d’ethnographie, Patrice Mugny reprochait aux journalistes de ne pas suffisamment regarder le dessous des cartes et le profil de certains acteurs du domaine culturel. Dans ce contexte, considérons que l’arrivée de Bruno Vayssière comme nouveau président de l’Association faîtière du CPG n’augure rien de bon pour la collection des Auer (collectionneurs et co-fondateurs du CPG) et encore moins pour la photographie. En l’absence de Joerg Bader, Bruno Vayssière lui a adressé un baiser iscariote et a développé tant sa ligne esthétique que son humanisme dans la Tribune de Genève du 19 septembre 2009: “On en a assez de ces thèmes archipolitiques. Il faudrait une fois montrer autre chose que des Palestiniens dans le malheur.”
En matière de sensibilité au malheur, le personnage a déjà  fait ses preuves. Début 2009, il a été sèchement éjecté de son poste de directeur de la Fondation Braillard Architectes pour avoir, entre autres délicatesses, exercé un mobbing sordide au détriment des civilistes affectés à  la fondation. Après une enquête sans concessions, la Confédération (DFE) avait sévèrement tancé la fondation des célèbres architectes avant de révoquer, le 9 septembre 2008, sa reconnaissance comme établissement d’affectation de civilistes. (Une fondation est une personne morale, mais n’est pas de fait une “personne” de bonne moralité). L’enquête du DFE avait enfin permis la reconnaissance des droits des nombreux civilistes plaignants. Récemment, les médias firent grand bruit du licenciement et de la condamnation du directeur général de Télégenève  suite à  une affaire de travail au noir, ce qui paraît donc plus grave que le mobbing, question de culture sans doute. Qu’attendre d’un CPG aux mains d’un directeur défaillant associé à  un président discrédité (grand affabulateur, il se présente comme l’éminence grise de Mark Muller et directeur officieux de PAV), irrespectueux des ressources humaines et promoteur d’une telle ligne esthétique ? Le Conseiller administratif qui fut si prompt et déterminé à  démanteler le Centre pour l’image contemporaine fait preuve d’une étonnante mansuétude pour la photo.

J.M.

 

Voir également: Mobbing dans une célèbre fondation genevoise.

Publié dans arts, photographie
Un commentaire pour “La fin probable du Centre de la photo de Genève ne suscite aucune émotion dans le milieu culturel
  1. one of the plenty dit :

    what to say to so-called centre, where expos were staying for three months under the sceduled program of two years before. Centre who doesn’t have any digital archive and public informations. There was not a one actual exhibition which can be CON TEMPOrary. Also, photography is art, and not photournalism, for second it exist newspapers, and the galleries are for ART PHOTOGRAPHY.