Habiter autrement en ville à  Genève (1)

manifestation logement

Manifestation à  Genève, le 28 juillet 2007. Derniers soubresauts de l’activisme social ?

Il fut un temps où Genève était la ville la plus squattée d’Europe. Aujourd’hui, le nombre de squats se compte sur les doigts de la main. Certains y voient un essoufflement de la dynamique sociale contestataire, d’autres un durcissement de la politique du logement. Pourtant, il n’en est rien. Il existe encore des citadins vivant dans des immeubles gérés de manière communautaire et des politiciens cherchant à  pérenniser l’habitat collectif. (A propos du débat du 21 septembre 2010, 1ère partie)

Bail associatif, quel avenir à  Genève?
du bitume au grenier, histoire d’une rue singulière à  Genève

Le débat s’est tenu le mardi 21 septembre 2010 à  la Bibliothèque municipale de la Cité. Détails en bas de page.

Les premiers squats, un remake du film “Les Oiseaux” …

Avec l’évacuation du squat du Conseil-Général (CG) en 1985, il fallait trouver solution pour reloger les squatteurs, dont Roberto Broggini faisait partie. L’association du CG est alors allée frapper à  la porte d’Olivier Second, président à  l’époque de la Commission fédérale de la jeunesse qui les a redirigé vers Claude Haegi son collègue au Conseil administratif. Avec « son complice Broggini », Claude Haegi a posé la première pierre de l’habitat collectif institutionnalisé en signant un « contrat de confiance ». Basé sur la notion de responsabilité, il s’agissait de permettre l’occupation temporaire d’un immeuble vide, inoccupé et appartenant à  la ville.

Extrait de l’intervention de Claude Haegi:

[audio:https://www.geneveactive.ch/2010/09/c.haegi.mp3]

Contrairement à  certaines opinions, les habitants de ces immeubles laissés à  l’abandon ne représentent pas « des privilégiés qu’on loge » mais « un nombre relativement limité de personnes voulant vivre de la sorte ». Car il faut une certaine motivation pour s’engager dans la réhabilitation d’immeubles abandonnés et délabrés.

Claude Haegi décrit de la manière suivante l’état d’un appartement remis aux squatters : « des oiseaux qui partaient dans tous les sens, c’était véritablement un spectacle à  la Hitchcock ! »

Un intense travail de réhabilitation des lieux est en effet nécessaire avant de pouvoir y vivre de manière collective. Roberto Broggini souligne cet aspect en rappelant que « l’habitat associatif demande un important investissement personnel sur le long terme ».

Luca Pattaroni nous rappelle que « le contrat de confiance ou de prêt à usage tel qui se dessine dans les années 80 est l’aboutissement de deux grands mouvements historiques : la politique du logement de masse et le mouvement contestataire des années 70 ». Avec la crise du logement, la construction des premiers logements ouvriers devant répondre à  une justice sociale de masse s’amorce. Cette vision hygiéniste d’après-guerre procède à  une individualisation de l’habitat – chaque famille vit dans son petit appartement doté des équipements de base et du confort minimum. Parallèlement, dès les années 1960, face à  la perte du caractère collectif et commun de la ville, une effervescence urbaine conteste fortement les processus standardisation des modes de vie, le capitalisme, l’exploitation et la déshumanisation de la société. Emergea alors la notion de droit à la ville d’Henri Lefebvre et suivirent les multiples luttes urbaines dénonçant la spéculation immobilière par l’occupation d’immeubles, la destruction de murs et la réappropriation des espaces.

Extrait de l’intervention de Luca Pattaroni:

[audio:https://www.geneveactive.ch/2010/09/l.pattaroni.mp3]

message sur un mur

Message sur le mur d’un immeuble genevois

Faut-il pérenniser les squats ?

Avec l’exemple de la mobilisation contre la démolition du quartier des Grottes à  Genève, Luca Pattaroni illustre bien l’ambigüité de la politique de logement sociale. Une « partie de la gauche soutenait ce projet de construction de bâtiments modernes et hygiéniques destinés aux personnes les plus pauvres, tandis qu’une autre gauche revendiquait des formes de logements et des formes de vie qui ne collaient pas avec ce qui était offert par le marché. » Certains citoyens ne veulent pas d’un appartement « Rolls Royce » alors pourquoi les empêcher de vivre de façon collective dans un logement type « deux-chevaux », comme le dit si bien Roberto Broggini ?

Extrait de l’intervention de Roberto Broggini:

[audio:https://www.geneveactive.ch/2010/09/r.broggini.mp3]

Mais rendre un squat durable dans le temps, ne serait-ce pas aller contre sa propre nature ?

Le caractère éphémère disparu, il faudrait alors légaliser l’occupation… Comment prolonger  les expériences de vie communautaire sur le long terme sans leurs faire perdre leur essence même ? Notons que certains squatteurs ont refusé d’entrer en négociation avec les autorités pour signer des contrats de confiance, véritable innovation législative de l’époque.

Muriel Becerra

Lire la deuxième partie de cet article: Habiter autrement dans une ville plurielle.  Le débat s’est tenu le mardi 21 septembre 2010 à  la Bibliothèque municipale de la Cité.
– Lire également sur Genève active, 8 rue Lissignol, une autre façon d’habiter avec une interview de Roberto Broggini.

Bail associatif, quel avenir à  Genève?
Débat mardi 21 septembre 2010 à  la Bibliothèque municipale de la Cité

du bitume au grenier, histoire d’une rue singulière à  Genève
Sorti en juillet 2010, ce livre est le fruit de la collaboration des habitants de la rue Lissignol et des dessinateurs-trices ayant participé à  cette édition.
L’ouvrage pérennise 20 ans d’habitats collectifs, et d’investissement dans l’urbanisation et la vie de cette rue singulière. Un tissu social très fort s’y est développé au fil des ans.
Autour de cette présentation, sera proposée une rencontre autour du thème: Bail associatif, quel avenir à  Genève?
Avec Luca Pattaroni, sociologue, Guillaume Käser, viceprésident de la CODHA et CIGUE,
Roberto Broggini
, député et habitant de la rue Lissignol,
Maria Watzlawick, participante au projet et habitante de la rue Lissignol,
Sandrine Salerno, maire de Genève, accompagnée de son adjointe, Valentina Wenger, de Valérie Garbani (juriste) et de Marozia Carmona-Fisher (responsable de l’Unité sociale à  la Gérance Immobilière municipale),
Claude Haegi, président de la FEDRE
Modérateur: Jacques Magnol, journaliste, fondateur de GenèveActive.ch

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Publié dans société
2 commentaires pour “Habiter autrement en ville à  Genève (1)
  1. Sothea dit :

    Ne penses-tu pas qu’en offrant des logements aux squatteurs, on reporte un problème social qui est à  la base d’une marginalisation de cette population? Ne devrions-nous pas plutôt les réinsérer dans la société au lieu de leur “livrer” un logement et les laisser se débrouiller?
    Je ne connais pas les statistiques mais la majorité d’entre-eux sont sans-emplois non? Il faudrait peut-être d’abord s’attaquer à  ce problème…difficile de faire accepter aux contribuables, l’idée d’offrir un logement gratuit à  des personnes qui projettent encore une image négative d’intégration.

  2. Muriel Becerra dit :

    Je pense que la suite de l’article, qui est construit en deux parties, répond en grande partie à  ces questions. Je tiens tout de même à  préciser qu’il ne s’agit pas aujourd’hui « d’offrir un logement aux squatteurs» mais de permettre aux personnes le souhaitant de vivre différemment en zone urbaine. Roberto Broggini l’explique très bien en disant que le but n’a jamais été de « squatter pour squatter » mais de dénoncer la crise de logement à  Genève, la spéculation immobilière et l’individualisation de la société. Le concept du bail associatif s’intègre dans la politique du logement social puisque les habitants des immeubles gérés collectivement ont des revenus modestes. Non pas qu’il s’agisse de « marginaux sans emploi à  loger », mais de citoyens dotés d’une réelle volonté d’expérimenter une façon communautaire d’habiter. Il n’est pas du goût de tout le monde de vivre de la sorte, certains préfèrent les logements « Rolls-Royce » tandis que d’autres demande du « Deux Chevaux ». La ville plurielle, une ville pour tous, se doit d’offrir un éventail de logements correspondants aux demandes diverses et variées. Concrètement, une fois le bail associatif signé, la municipalité perçoit un loyer unique pour tout l’immeuble basé sur le revenu moyen des résidents, qui s’organisent dès lors de manière autonome et participative pour répartir les contributions de chacun. Les membres du collectif d’habitants s’engagent aussi, et surtout, à  participer à  la vie collective à  travers la gestion des espaces communs. Au 8 rue Lissignol, la grande cuisine fait parfois office de lieu de repas commun, de réunion, de fête d’anniversaire,… Il existe aussi une salle de sport et une salle de cinéma sans oublier la cour et la rue entretenues par les habitants, véritable lieu de vie du collectif. Bien évidemment comme dans toutes associations, certains s’investissent plus que d’autres, mais l’idée générale est là  â€“ habiter autrement.

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