A qui appartiennent les oeuvres du Street art ?

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L’emballement bourgeois pour le Street art est la source d’une contestation grandissante de la part des artistes. Le 16 mars, le graffitiste Blu a organisé l’effacement des murs de la ville italienne de Bologne d’une dizaine de ses célèbres graffitis, il risque une condamnation.

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L’exposition “Street Art. Banksy & Co. – L’arte allo stato urbano” est-elle une récupération de l’art urbain et de la contestation par la culture bourgeoise ?

Blu, l’identité sous laquelle se cache un artiste résidant à Bologne et actif depuis 1999, déniait à une organisation privée le droit de détacher ses fresques pour les transférer dans un musée dans le cadre de l’exposition “Street Art. Banksy & Co. – L’arte allo stato urbano” qui ouvre ses portes le 18 mars à Bologne.

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Monica Cuoghi, capture d’écran.

Le geste de l’artiste, et de la cinquantaine de symathisants qui l’ont aidé lors de l’équipée nocturne, crée la confusion comme ce fut le cas à Berlin dans un autre contexte.

  • L’œuvre, pour certains la maculature, appartient-elle à la ville si le mur qui l’accueille est un bâtiment public, au propriétaire de l’immeuble s’il s’agit d’un bâtiment privé, ou indéfiniment à l’artiste ?
  • L’artiste bénéficie-t-il d’un droit inaliénable sur son œuvre ?
  • Peut-il la transformer, doit-il la préserver des dégâts des ans, ou même l’effacer ?

D’autre-part, qui qualifie le graffiti d’œuvre ou de salissure quand, en Italie, une artiste telle AliCè (Alice Pasquini), auteure de splendides portraits féminins sur les murs, est condamnée à 800 euros d’amende pour salissure tandis qu’une autre, Monica Cuoghi, connue pour d’autres dessins sauvages, sera rétribuée 2’500 euros pour participer à l’exposition mentionnée ci-dessus ?

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Alice Pasquini, capture d’écran. AliCè condamnée à 800 euros d’amende pour salissure.

En Suisse, lorsque cet art apparut à la fin des années 70, sa pratique conduisait en prison. Harald Naegeli, le plus connu des artistes suisses, arrêté en 1979, écopa d’une peine de 9 mois qu’il purgea à son retour d’exil volontaire en 1984. Aujourd’hui, peindre un graffiti sur une surface non autorisée est encore illégal.

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Harald Naegeli, “Undine”, Zurich 1978. ©Dbachmann. Wikipedia.

En Italie, certains artistes dont Monica Cuoghi considèrent que le geste de Blu est « un acte égocentrique car une fois l’œuvre réalisée sur un mur de la ville, celle-ci appartient à cette dernière ».
Mais que dire d’oeuvres en péril, c’est le cas de certaines à Bologne où les murs qui les abritent sont promis à la démolition ?
Que dire également dans le cas de la transformation d’un quartier comme celui du Kreuzberg à Berlin où Blu a préféré « détruire ses travaux plutôt que de les laisser contribuer au processus de gentrification. »

Pour corser le débat, certaines des œuvres envisagées pour l’exposition étaient sur les murs de bâtiments promis à la démolition, tandis que le responsable du projet, Fabio Roversi Monaco, est un banquier et ancien président de Bologna Fiere et de la riche Fondation Carisbo, une société organisatrice de foires d’art. M. Roversi Monaco a très mauvaise presse à Bologne où, en tant que recteur de l’université, il a régulièrement porté plainte contre les étudiants qui contestaient sa politique de gestion. Ses multiples casquettes symbolisent pour beaucoup, selon le collectif d’écrivains, d’artistes et d’activistes, Wu Ming, la collusion entre les différents pouvoirs – l’académique, le financier, le politique, et d’autres moins voyants comme la loge maçonnique Zamboni.
Virginio Merola, maire de Bologne, conclut dans une interview à la Repubblica « J’espère que Blu pourra de nouveau peindre à Bologne avec la garantie que ses oeuvres ne seront pas utilisées à des fins commerciales. »

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