Comédie de Genève : La FAD verrouille. Est-ce bien raisonnable ?

Le 25 mars 2010, la Fondation d’art dramatique (FAD), par l’intermédiaire de son président, Bernard Paillard, a annoncé qu’elle ne communiquerait plus. Après avoir divulgué des informations sélectionnées à  des médias choisis, ce qui s’appelle un plan de communication, la FAD verrouille l’information, tout au moins officiellement. Le mot d’ordre: circulez, jusqu’à  l’annonce de la nomination de la nouvelle direction.  Les critiques, sinon les craintes, du conseiller d’Etat en charge du DIP, Charles Beer, à  propos du manque de transparence, paraissent du même coup justifiées. C’est pour l’instant le seul responsable politique qui ait donné de la voix à  propos de ce sujet hautement politique.

Texte du communiqué : “La Fondation d’art dramatique de Genève a ouvert la mise au concours qui permettra le renouvellement de la direction générale du Théâtre de la Comédie. Trente-cinq dossiers de candidature ont été reçus. Par respect pour les postulants, la Fondation n’a révélé l’identité d’aucun d’entre eux. Par conséquent, les quelques noms de candidats publiés dans la presse ne l’engagent pas.
La procédure se poursuit selon le calendrier fixé et selon les méthodes qu’elle a décidées.
En outre, nulle communication avec les médias n’aura plus lieu dans le cadre de la sélection, et ce, par devoir de discrétion et de courtoisie. Une information officielle n’interviendra pour annoncer le choix de la future direction générale du Théâtre de la Comédie qu’après la fin des délibérations.
La Fondation d’art dramatique tient cependant à  préciser que, contrairement à  certaines allégations, la provenance des dossiers n’est en aucun cas un critère de sélection.” (Texte intégral du communiqué du 25 mars).

La sortie de Charles Beer met en évidence un nouveau dysfonctionnement. Il semblerait que des candidatures aient été repêchées après l’esclandre gouvermental. Si la Fondation n’a pas publié de noms, qui de l’intérieur a manigancé pour dessouder certains candidats en dévoilant leur identité? Une question traditionnelle refait maintenant surface : Y-a-t-il un pilote dans l’avion? celui de la politique culturelle Ville/Etat confondus. Que font ces deux bailleurs de fonds publics de leur pouvoir ?

Commentaire:
Dans le milieu du théâtre, la polémique alimentée par certains locaux contre les étrangers était obsolète avant d’être lancée, la majeure partie des dirigeants des institutions culturelles genevoises sont étrangers pendant que nombre de Suisses dirigent des institutions culturelles hors des frontières helvétiques et, dans le meilleur des cas, ça circule car la culture pâtit toujours des ventouses. L’info et la transparence sont par contre plus en danger si l’on note que des articles sont publiés par des rédacteurs qui émargent au budget de certains théâtres, la voix de son maître en somme.
Ecartons cette cuisine locale, parlons des enjeux : Ce n’est plus sur le terrain de l’offre artistique classique et du patrimoine que les capitales européennes se distinguent désormais. C’est sur la capacité à  proposer une culture contemporaine pertinente que se fait aujourd’hui la différence entre les capitales européennes en termes d’image et d’attractivité’. (Voir l’avis du sociologue Fabrice Raffin dans GenèveActive le 17 février 2009) ou celui de Bernard Zumthor (à  propos d’une autre structure artistique)  qui  “attend que le pouvoir politique s’explique et développe la grande fresque capable de faire rêver’.
Un débat s’impose-t-il ? Les avis divergent: d’un côté, certains estiment que la FAD a raison de se positionner  en disant que les procédures ne sont pas remises en question et que le bruit médiatique ne l’intéresse pas, d’autres, comme Gabriel Alvarez (voir un article précédent), demandent plus de transparence dans la sélection de la direction qui  conduira aussi le projet vers la Nouvelle Comédie : “Quel est le projet, c’est de cela qu’il faut parler. Je voudrais que cela se passe sur la place publique, à  propos de tous les aspects, théâtral, artistique, éthique, financier, le type de transparence prévu, etc.” Affaire privée de la FAD ? affaire politique ? Quels critères ? Quelle transparence ?
J’ai oublié de parler des experts, mais au vu de la façon dont la FAD les traite, ils ne semblent là  que pour “faire joli” dans le décor.

Jacques Magnol

Le rôle de la FAD selon le Conseil admnistratif:

“Le conseil de fondation de la FAD n’intervient pas dans la programmation des théâtres. Sa mission principale consiste à  leur octroyer les moyens financiers, c’est-à -dire à  voter les budgets en fonction des subventionnements de la Ville et de l’Etat, et à  en contrôler la gestion. Quant à  l’autre mission importante, la nomination des directions, il convient de rappeler que le Conseil administratif tient à  ce que celles-ci se fassent en toute transparence, sur la base de préavis comprenant des personnalités indépendantes. Cette disposition a d’ailleurs été acceptée par le conseil de fondation de la FAD et figure dans la convention de subventionnement approuvée par le département de la culture et actuellement examinée par l’Etat.” (Réponse du Conseil administratif à  la question écrite «Que de théâtres au sein d’une même fondation». 10 septembre 2008.)

Mise à  jour: Nouvelle Comédie, quels théâtres réunir pour le projet du siècle* ? 30 mars 2010.

Voir également dans GenèveActive:

– La situation théâtrale s’améliorera lorsque des comédiens hors-pair viendront travailler à  Genève’. Matthias Langhoff.
– Comment penser un théâtre pour demain ?
– Entre 2016 et 2040 Genève aura peut-être une Nouvelle Comédie
– Le sort du théâtre de la nouvelle Comédie est lié à  celui du CEVA
– Qu’adviendra-t-il de la Comédie après la construction de la nouvelle ?

Et sur le Web
– Christoph Marthaler, un regard qui dérange. Coup de balai dans le théâtre suisse.