Les intermittents et le chômage: une liaison dangereuse?

panel

Un colloque organisé par le Théâtre du Grütli et Genève Active, le 21 décembre 2009, a examiné les conséquences de l’assurance-chômage actuelle pour les travailleurs de l’industrie culturelle genevoise : les intermittents du spectacle. Les participants ont débattu des améliorations qui pourraient être apportées en tenant compte des spécificités des métiers du spectacle. Ecouter les interventions.

Dans le cadre d’un mémoire de licence en gestion d’entreprise, Didier Nkebereza* a analysé le mode de production des créations théâtrales à  Genève, ainsi que leurs répercussions sur la condition sociale de deux figures centrales du théâtre: les comédiens et les metteurs en scène. Dans ce contexte, il a notamment étudié les conséquences de l’assurance-chômage actuelle pour les intermittents du spectacle genevois et des personnalités ayant des points de vue différents sur le système suisse du chômage ont été invités à  en débattre:
– Patrick Schmied, directeur général de l’Office cantonal de l’emploi.
– Eric Lavanchy, secrétaire général de l’Union des théâtres romands.
– Anne Papilloud, secrétaire générale du Syndicat suisse romand du spectacle.
– Jean-Michel Cruchet, membre d’Action intermittents, spécialiste du chômage et de l’intermittence.
– Lionel Thelen, docteur en sciences politiques et sociales de l’institut universitaire européen de Florence; chargé de cours au sein du département de sociologie et aux hautes études commerciales de l’Université de Genève; directeur du mémoire de M. Nkebereza.

salle photo

 Ce 21 décembre, dans une White Box comble, l’atmosphère était tendue car quelques jours auparavant, le nouvel administrateur de la Fondation d’art dramatique (gestionnaire de la Comédie et du Poche) avait dénoncé les accommodements pris par le Poche avec les exigences du chômage. Plusieurs metteurs en scène avaient immédiatement soutenu la directrice du théâtre en affirmant que tout le milieu du théâtre trichait… par obligation. Jean-Michel Cruchet, membre d’Action intermittents, spécialiste du chômage et de l’intermittence, opposa un vigoureusement démenti à  ces propos et les soutiens s’étiolèrent rapidement au fil de la soirée.

 En matière de chômage, Patrick Schmied, l’homme de l’art en tant que directeur général de l’Office cantonal de l’emploi, a indiqué aux intermittents “qu’une solution technique est à  leur portée, que le SECO (Secrétariat d’Etat à  l’économie) est réceptif et qu’il n’y a aucune raison pour que le problème ne soit pas réglé. Il s’agit cependant d’engager la lutte pour faire adopter cette proposition par les parlementaires et ne pas se disperser dans d’autres directions”.
Ecouter l’intervention de Patrick Schmied :

[MEDIA=151]

didier Nkebaraza

 Pour Didier Nkebereza, le premier subventionneur de la culture n’est peut-être pas la Ville via son département de la culture, mais la Confédération avec le chômage, ce qui explique que les relations puissent être houleuses. La comparaison entre les acteurs culturels et les valeurs moyennes nationales fait apparaître des différences particulièrement significatives, ainsi les intermittents du spectacle subissent-ils un taux de chômage jusqu’à  trois fois supérieur à  la moyenne nationale, une proportion des emplois à  durée limitée de sept fois supérieure à  la même moyenne. Le secteur culturel ne représente que 1,2% de la population active, il doit faire preuve de créativité pour faire reconnaître sa spécificité.
Ecouter la présentation de Didier Nkebereza et les remarques des intervenants invités :

[MEDIA=152]

 C’est avec brio que l’auteur du mémoire dissuada les vélléités** de commenter le fait divers que constituent les aménagements du Poche autant que l’écueil d’une critique vengeresse de la Tribune de Genève “coupable” d’avoir révélé l’affaire. La question des conditions de travail des intermittents du spectacle demande une réponse technique et politique qui devrait être l’occasion d’une mise en oeuvre d’un exercice de démocratie participative où les gens participeraient avec des idées, produiraient des initiatives politiques et des recommandations, sans se laisser brider ni récupérer par de quelconques organisations qui, au final, ne roulent que pour elles-mêmes. Ces acteurs pourront-ils faire preuve de la cohésion indispensable à  la formation d’un groupe d’intérêt apte à  exercer une influence et engager la lutte parlementaire nécessaire? L’atonie sociale n’est que provisoire et la scène culturelle ne peut se contenter de sursauter au rythme des missives que les corbeaux, professionnels du théâtre bien renseignés mais aussi lâches qu’anonymes, faisant ainsi tomber le discrédit sur une scène en crise.
Le temps presse, le vent des restrictions a soufflé sur l’assemble réunie au Grütli quand un intervenant a évoqué la possible fermeture de plusieurs théâtres genevois dans un délai de quelques années, la question de la qualité d’artiste, de l’évaluation seront au centre du débat et du ressort des politiques.

Jacques Magnol

* Didier Nkebereza. Metteur en scène diplômé de la Haute école des arts du spectacle Ernst-Busch de Berlin, il a défendu en septembre dernier à  l’Université de Savoie (Annecy) un mémoire de bachelor en sociologie intitulé: ” Etude sur la condition sociale des comédiens et metteurs en scène à  Genève au début du XXIème siècle”.
** Alors que le débat portait sur des aspects particulièrement techniques, celui-ci a été perturbé par Mme Courvoisier, du Poche, qui a interrompu les intervenants pour s’installer sur la scène et haranguer le public à  propos de ses problèmes personnels. Tout un chacun peut donc suivre l’exemple et se rendre au Poche pendant une représentation, monter sur la scène et faire le numéro de son choix.

Lire ou écouter, sur ce sujet avec GenèveActive :

Le prix du travail artistique doit comprendre celui de la couverture sociale
Augmenter l’offre culturelle au coût le plus bas a un coût social élevé
L’essentiel de la croissance culturelle récente a été opéré sur l’emploi instable

A propos de l’évaluation de la production artistique. Forum Genève Active du 17 novembre 2009.

 * * *

Intermittents: un cas concret sur le devant de la scène: Selon la Tribune de Genève du 8 décembre 2009, Françoise Courvoisier, du Théâtre Le Poche, est “dans le collimateur de la justice” pour avoir prolongé de quelques jours les contrats de travail des comédiens afin qu’ils bénéficient de meilleures prestations de chômage. La Ville et le canton qui, lors de la manifestation qui s’est tenue en octobre 2008 au Théâtre du Grütli, assuraient les artistes de leur soutien et promettaient de trouver des solutions, ont dénoncé l’affaire à  la justice. Plusieurs responsables du milieu des arts vivants déplore les prises de position de quelques metteurs en scène qui ont prétendu que les aménagements ou irrégularités dénoncés par la FAD étaient monnaie courante dans la profession.

Tagués avec : ,
Publié dans économie, société
Un commentaire pour “Les intermittents et le chômage: une liaison dangereuse?
  1. Lire “Quels droits pour les salariés à  l’emploi discontinu ?”, (voir le lien clicable) permet de prendre connaissance des positions des coordinations d’intermittents et de précaires en France, suite à  la restructuration de l’assurance chômage de 2003

2 Pings/Trackbacks pour "Les intermittents et le chômage: une liaison dangereuse?"
  1. […] – Les intermittents et le chômage: une liaison dangereuse? […]