Anton Meier montre ses valeurs sûres

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Daniel Berset. A P 5, hauteur 125 cm; BP 8, 115 cm; DP 6, 95 cm. 2011/2014. Bois, gesso, tempera. Photo JM.

Anton Meier, le vétéran des galeristes genevois spécialisés dans l’art contemporain, montre Daniel Berset, Dieter Roth, Philippe Schibig, Hans Schärer et Markus Raetz, une excellente exposition, bien équilibrée entre cinq artistes dont il suit le travail depuis longtemps, des artistes quelque peu en marge du courant académique dominant.

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Anton Meier

C’est dans les années 70, période glorieuse de l’engagement genevois en faveur de l’art contemporain qu’Anton Meier ouvre sa galerie à Carouge avec une exposition d’Otto Nebel. Plus ou moins en même temps, d’autres galeristes tels Marika Malacorda, Pierre Huber ou Michel Foëx se lancent, la création du Centre d’art contemporain suit en 1984, puis, par Anton Meier en 1986, celle de l’Association genevoise des galeries d’art contemporain (AGGAM), le Mamco vient bien plus tard, en 1994, récompenser les efforts de l’association pour un musée d’art moderne (AMAM).
Ne demandez pas pour autant à ce galeriste pionnier s’il s’agissait de la période heureuse de l’art contemporain au bout du lac, la situation a toujours été difficile à Genève, elle serait même pire aujourd’hui avec le trop timide renouvellement des collectionneurs d’antan, les L’Huillier ou Sistovaris par exemple, qui achetaient au coup de cœur, en connaisseurs. Bien sûr, il en existe encore aujourd’hui, ils sont plus discrets, mais la tendance est surtout au rendement pour les galeristes et à la spéculation pour une nouvelle génération d’acheteurs.

Le métier même de galeriste a changé, les nombreuses foires sont devenues un passage obligé et nécessitent une structure importante et gourmande en personnel, il faut toujours plus investir et produire, de plus la concurrence est rude. Anton Meier, est un des rares à avoir surmonté toutes les crises, il a pu réussir en travaillant seul avec un petit groupe d’artistes fidèles, dont Dieter Roth et Hans Schärer, deux des artistes majeurs de la deuxième moitié du XXe siècle, puis Daniel Berset et Markus Raetz, entre autres.

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Daniel Berset. A P 5, hauteur 125 cm; BP 8, 115 cm; DP 6, 95 cm. 2011/2014. Bois, gesso, tempera.

L’oeuvre Broken Chair de Daniel Berset (1953) a marqué l’année 1997 et est devenue une des images emblématiques de Genève. Les trois sculptures présentées chez Anton Meier s’inscrivent dans la continuité de ce qu’il a produit au fil de ses recherches sur le point de vue.

Deux questions posées ce 28 avril à Daniel Berset  :

Comment retracer le trajet qui vous a conduit des anamorphoses à ces sculptures peintes de couleurs denses ?
Les premières oeuvres étaient des anamorphoses en trois dimensions, elles présentaient un aspect d’un certain point de vue et un autre différent selon un autre angle de vision.
J’ai exploré cela un moment, puis j’ai découvert les possibilités de transformer la perception de l’objet qu’offrait la couleur , j’ai alors eu l’impression d’avoir fait une nouvelle découverte qui s’inscrivait complètement dans cette démarche. C’est à dire qu’en posant de la couleur sur un objet, je modifie sa perception dans l’espace, sa taille, sa vibration, etc.
Je mène parallèlement plusieurs activités, ainsi le travail sur le socle qu’on retrouve aussi dans ce travail là, puis le  travail sur le point de vue, le visible, l’invisible, ce que j’ai exploré dans les anamorphoses, mais là j’ai été très heureux quand j’ai trouvé cette possibilité car, d’un coup, j’ai réglé une question.
En résumé, l’anamorphose offre deux points de vue, je me suis donc demandé s’il était possible d’aller plus loin et j’ai découvert que la couleur permet d’avoir quatre points de vue différents. Le travail présenté actuellement s’inscrit dans cette recherche, c’est un plus. N’oublions pas que la polychromie a toujours été présente dans la sculpture, chez les Grecs, puis au Moyen Age, puis elle a disparu. C’est donc aussi l’occasion de relancer le débat autour de la sculpture et de la polychromie.

Quel rapport peut-on établir entre le travail présenté précédemment, les Visages, et celui-ci ?
Le travail sur les visages s’est accompagné de l’étude des icônes et m’a permis d’appréhender la couleur plus densément, c’est donc progressivement, grâce à ce travail sur le visage, que j’ai pu arriver à une utilisation plus radicale de la couleur. Je n’y suis pas arrivé directement, il y toujours eu un peu de couleur dans mon travail mais, lors de ma première exposition, mes sculptures polychromées étaient de couleurs pastel, j’étais encore un peu timide, je n’avais pas encore cette idée que les rapports à l’échelle, à la lecture de l’oeuvre, pouvaient changer, tandis qu’ici c’est vraiment le point principal.

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Markus Raetz. Sans titre. 1982. Aquarelle. 17 x 24 cm.

Markus Raetz (1941), travaille sur la réalité-irréalité de la présence et du regard, sur la perception, sur la déformation, sur la forme, le miroir et le regard de l’autre. Son travail sur les anamorphoses montre un certain lien avec celui de Daniel Berset. Markus Raetz dénonce la prétendue objectivité du monde concret. En séparant distinctement l’oeil de ce qui est perçu, par un ensemble de métaphores et de symboles, il révèle la polysémie de l’image.
Le Cabinet des Estampes de Genève lui a consacré une vaste exposition en 1992 après sa distinction par le Prix BCG en 1991.

 

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Hans Schärer. Sans titre. 1975. Aquarelle et encre de Chine. 19,8 x 14,5 cm.

Hans Schärer (1927 – 1997) est connu par ses aquarelles érotiques et ses madones dominatrices infernales. La coexistence de sensualité et symbolisme religieux soulève la question de savoir quelles représentations nous attribuons aux corps représentés.

 

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Dieter Roth. 6 Picadillies. 1969/70. Suite de 6 sérigraphies recto/verso. 50 x 70 cm.

Dieter Roth (1930 – 1988), sculpteur, poète, pionnier des livres d’artiste, performer, éditeur, musicien, Dieter Roth a constamment tenté de défaire les cloisons d’une éducation artistique académique. Tout en restant à distance de mouvements tels que le Process Art, il apparaît comme l’un des artistes les plus novateurs concernant la transformation du concept même d’œuvre d’art.

Galerie Anton Meier
Palais de l’Athénée – 2, rue de l’Athénée. Genève.
Mars-Avril 2015.

Puis, du 7 mai au 27 juin 2015 :
Annelies Štrba. Madones, nouvelles photographies sur toile, présentation du livre Madonna.

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